Brouillon

Le Moi que je dois dépasser pour survivre est atteint d’un syndrome. Une stagnation dans l’âge qui m’oblige à ne considérer ce Moi à surpasser par la force d’une volonté maniaque qu’aux traits et à l’allure enfantins. Bien qu’increvable, ce Moi figé comme une captation d’une forme, d’une odeur et d’une brûlure glacée, je tente de le tasser. Dans mes bons jours, je monte sur les épaules de la petite fille, non pas à la manière d’une acrobatie joueuse, comme en enfilant un cartable d’os et de peau, mais en écrasant mes pieds sur chaque rondeur de clavicule. J’aimerais que le Moi se trouve collé sur ma semelle, oublié, pas même un souvenir, juste un rappel visuel relégué dans l’intensité de la marque et sa pérennité au bon vieux chewing gum. Quand j’écris il m’apparait pourtant impossible de ne pas visiter la brûlée froide. J’ai besoin d’un antagonisme pour pouvoir m’approcher dans la description de la texture, de l’aura de son halo répulsif. C’est une souffrance telle que de protéger sa brûlure par une cristallisation glaciale. De faire vivre ces deux états sans lesquelles le Moi aurait dû, forcé par un vide, ressentir, faire l’expérience d’une lucidité.

Quand je cherche à être plus forte que l’agonisante, je copie. D’abord je prends bien note des acceptables et des enviables, à ceux dont le goût me plait j’offre une scène, une plateforme de représentation. Je regarde et je copie. J’écrase les épaules en même temps. Je tasse la gueuleuse. Le Moi beugle. Mon impuissance. Une danse atroce, insensible aux critiques, vautrée sur la scène, empoisonnant du sommeil ma force de ma volonté maniaque. Allez tiens (elle beugle), à tous les coups tu disais « survivance ». Elle vante son authenticité, enfin il, c’est Moi. C’est la petite mutante, elle est moche mais elle émeut. Elle est simple. Quand je me surpasse, à quelques occasions créées de toutes pièces par une fatigue ou une chaleur, je me mets à me surplomber. Le Moi me survole, j’emprunte son vaisseau et j’inverse l’écrasement, j’écrase comme une dingue. Je me vois, typique utilisatrice du mot survivance (et puis il y a éducationnel aussi), gargarisée de nuances, bien forte, bien vidée de mémoire. Je m’écœure un peu mais le Moi ne peut pas s’empêcher de se réjouir. On a bien copié. Admirablement même. Regarde-la. Elle fait même l’amour. Pas l’ombre d’un complexe, elle caresse, se caresse, elle se plie, s’étale, se crispe. Ça c’était franchement enviable. La contrefaçon est excellente. La petite brûlée est ravie de la prémonition, elle se laissera volontiers ramassée par la semelle.

Il se trouve que la petite a excellente mémoire et imagination, le tourbillon fâcheux des idées et projections à destination de la conceptualisation du pire est une proposition de chemin qu’elle systématise. Paralysie d’angoisse ? Une visite au cœur de la banquise en feu offrira sans conteste l’opportunité d’inscrire la paralysie battante dans la poitrine au rang de menace intermittente mais régulière. Nouveau régime spécial.

Ça y est j’ai bien été dans les tréfonds, l’asphyxie me permet de retrouver la chère force de volonté, celle de trouver de l’air. En plongeant sans recherche de main tendue vers ma souffrance à couettes frisottées – en d’autres termes, en écrivant – je me débarrasse un peu du monstre. Je lui fais face et je vois ces zones douces. Il est nourricier. La bataille de souveraineté c’est mon relief. Quand alternativement les protagonistes critiques, différents d’âges et de point de chute pour le regard, s’écrasent les épaules pour se tasser les uns les autres, je prends forme. Je me mets en mouvements. Une forme et une mouvance qui induit des extrémités. La sagesse d’une conscience de Moi et puis des autres mutations du brasier immergé. Ce sont mes montagnes, mes flancs. Ce n’est que moi. Rien et un peu à la fois. Selon la correction, selon le verre, la loupe. Ce n’est qu’un jeu de poupées russes un peu tordu, je connais l’issue, je connais les traits, je connais l’esquisse et le crayon. Il faut, je vais. Pas sans programmation foireuse de la scène. Jamais oublieuse, Moi.