Cet ouvrage est le regroupement nécessaire de bribes d’apnées ou de grandes respirations successives à une rupture amoureuse. Il s’agit d’un journal tenu plus ou moins régulièrement, fluctuant au grès des retrouvailles et des déchirements, qui s’établit comme un agrégat de gymnastiques linguistiques couvant le « je t’aime ». L’amoureuse au travail considère sa solitude, court çà et là, folle dépensière d’énergie et de vulnérabilité vive.
Il y a de grandes détresses, il y a des accalmies temporairement acceptantes, suivies de célébrations du déni. Il y a une dispersion qui tisse en soie et en larmes le portrait d’une torpeur et d’un effroi devant l’incapable maîtrise, devant la fatalité de la déliaison.
Ce désœuvrement est antisocial, extrêmement solitaire, il perturbe ou est ignoré et moqué. La dérive peut bien être ressentie par des milliers de sujets mais son pouvoir puise dans son caractère dérangeant et impudique, sa force est d’être un lieu trop exigu ou trop immense, trop plein ou trop vide.
Au fond, ce journal s’adresse à un aimé, perdu, caché, disparu, directement, comme une tenue de regards insoutenable. La folie intrinsèque à la douleur s’exprime dans la lettre d’amour, dans la lettre d’adieu, dans le poème du détachement. Les déclarations rencontrent la raison, la psychologie du bon sens et l’amoureuse se débat pour rester sujet.
Le journal de déliaison capte l’essence, traduit l’angoisse, l’attente, la réminiscence. Pourquoi ? Comment ? La syntaxe est folle, les hallucinations gisent et sont ébranlées. Face à l’incident ultime, l’amoureuse puise dans la souffrance exquise de l’imaginaire, éclate à la venue de la lucidité, se répète, rumine jusqu’à satiété.
A l’issue, il n’y a pas de guérison. Il y a un épuisement salvateur puis une mort. L’histoire d’amour est re-caractérisée en objet au service d’un grand arc narratif, d’un projet Autre. C’est une réconciliation avec le monde.