Le Refuge
La céramique s'entrechoque et sonne, l'empilement des coupelles parait mimer le chaos des violons en cours d'accordement avant le spectacle. Derrière le bar, les bras révélés par les manches de coton relevées s'agitent au tassement du café moulu bientôt autre matière dont l'arôme embaume. Sur notre banquette de cuir usé, nous collons nos cuisses affalées. Tu passes commande. Les voisins sont engagés dans un exercice d'onomatopées soutenues par des regards courageux et des nuques balanciers traçant le chemin de l'approbation. Hmm-hmm. Ta main sur mon genou à cicatrice de chute de vélo. On a comme envie de chuchoter pour se faire clandestins de la cacophonie huilée et ordinaire. La tarte aux poires est lovée dans sa couverture de crème d'amandes. Ma joue réclame l'effleurement. Le vieux du fond tousse. Il nous faut imbriquer nos jambes. J'ai retrouvé la nonchalance. La scène suit son cours et les déboulements paraissent être des introductions d'intrigues destinées à nous divertir. Tu places ma boucle de début de rideau derrière mon oreille et pose au creux, à la courbure de la clavicule naissante, un baiser caféiné, suffisamment humide pour laisser sa trace lumineuse, perceptible qu'à l'angle des chanceux. C'est comme une lettre d'amour écrite au jus de citron.