L'extrême-droite est ce qu'elle prétend combattre et combat ce qu'elle prétend être
Des enquêteurs en Géorgie ont constaté que Trump avait accédé aux logiciels de machines de vote électronique. Je crois qu'il a prétendu que l'élection était truquée en faveur d'Hillary Clinton mais je suis sûre qu'il a dit qu'elle lui avait été volée lorsqu'il a perdu contre Joe Biden, appelant ses électaires les plus radicalisé·es à tenter un coup d'État (une révolution de droite, donc fasciste) au Capitole des États-Unis. On passera sur le fait que c'est lui qui a tenté de voler cette élection avec sa tentative de coup d'État : cette raclure inverse tout, et ce n'est pas la seule.
Chéri, ne lis pas la phrase suivante. J'ai recouvert les QR codes des affiches avec les citations de la comédie musicale Hamilton avec des stickers de Framasoft en sortant des JDLL car c'étaient des affiches du groupe La Rose Blanche, un groupe de fascistes antivax. Désolée. Mais le père Noël existe, ses lutins t'ont fait un circuit de train Brio. Le père Noël est vraiment très gentil. On a donc des personnes prétendant défendre la liberté pour manipuler des personnes mal informées, les contrôler, afin de fragiliser la démocratie et éventuellement de mettre en place un État policier, de donner les pleins pouvoirs à Marine Le Pen, etc.
Un autre exemple concerne la « cancel culture ». D'une, on est en France, donc tu parles la langue officielle, espèce de sombre merde. Le niveau d'anglais des Français·es est catastrophique, les contenus anglophones ne leur sont pas toujours accessibles et notamment pas aux plus pauvres. De deux, on n'« annule » pas des gens mais des événements. L'intoxication de nos relations sociales par les plateformes de communication promues, il y a dix ans, par les chaînes de télévision qui te paient aujourd'hui pour ta médiocrité intellectuelle ne relève même pas du dévoiement de nos revendications politiques anticapitalistes en une sémantique de la radicalité et de la pureté morale, l'antithèse, donc, de la morale en tant qu'intelligence communautaire individuelle (l'éthique étant l'intelligence communautaire collective), mais vraiment du comportement assez classique de personnes maltraitées par ces plateformes que ton employeur, je le répète, a promues avant de te promouvoir, toi. On a bien une pratique militante qui consiste à boycotter des agresseur·euses sexuel·les, mais on veut aussi pardonner, je ne sais pas comment le dire autrement, on veut nous aussi écouter Doja Cat et jouer à Cyberpunk 2077. Doja Cat a fait acte de réparation, comme DaBaby, et apparemment ça a du sens pour la communauté LGBTQIA+ donc on les remet en soirée. À l'inverse, il est ironique que des éditorialistes et chroniqueur·euses sans valeurs ni culture parlent de « cancel culture » pour étiqueter comme déviantes à peu près toutes les luttes pour le progrès, ce que vise évidemment la recherche scientifique et ce que visait également le capitalisme (dans le contexte des tutelles féodales). J'en parlerai dans un prochain billet. La première annulation proprement dite à laquelle j'ai assisté était celle des concerts de Bertrand Cantat, j'étais dans une boucle SMS pour faire annuler son concert à Grenoble. Certains actes sont impardonnables : cet homme a battu sa conjointe à mort. Il n'y a pas de retour en arrière possible. On ne ressuscite pas les mort·es. Mais le terme d'« annulation » est bien à prendre au sens littéral, au sujet d'événements : on annule des événements comme pratique militante. Aux Nuits de Fourvière, une troupe de cirque est venue il y a quelques années pour faire des black faces, la pratique de se teindre le visage en noir pour imiter des personnes noires, souvent à des fins comiques racistes. Cette pratique trouve justement ses origines dans les États du Sud des États-Unis, dans des régions, donc, esclavagistes : j'ai lu quelque part que les maîtres d'esclaves y étaient minoritaires et mal perçus (encore heureux) et j'imagine que cette pratique visait à mieux faire accepter leurs crimes. J'ai vu passer des appels à intervenir pendant l'événement. De même, le mangaka de « Love Hina » et « Negima », des séries atterrantes romantisant les agressions sexuelles entre des personnes mineures, est passé cette année à Japan Expo. Des otaku, cosplayeur·euses, etc. y ont distribué des tracts et avaient prévu de huer sa présence. Puis de partir. S'iels avaient pu le faire, iels auraient certainement fait annuler l'événement. Bah quoi, vous soutenez des pédophiles ?
L'extrême-droite met donc la gauche dans le rôle qu'elle occupe réellement, puis prétend le combattre : c'est Trump qui a truqué les élections, c'est le groupe La Rose Blanche qui veut limiter nos libertés, ce sont les médias bourgeois qui détruisent des militant·es pour des messages envoyés sur Twitter (Le Monde par exemple a consacré un encadré à un statut Facebook publié par une membre du secrétariat national de l'Unef, une personne qui, je le rappelle, est étudiante et peut donc faire des erreurs, indépendamment même de la mauvaise foi effarante de l'article en lui-même – qui était la Une du quotidien national). Mais elle prétend également incarner ce qu'elle combat en réalité : le Front National se dit proche du peuple et lorsque les député·es Les Républicains huent Olivier Véran (ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du gouvernement) alors qu'il répond à une question de Jérôme Guedj (Nupes) en le traitant de « socialiste », Marine Le Pen lance, avec son arrogance coutumière, « On va vous laisser ! ». Il ne s'agit pas de relativiser le danger du fascisme mais son imposture : dans l'extrait référencé, c'est bien Marine Le Pen qui se joint aux quolibets du groupe Les Républicains. Le nom même du Front National vient d'un groupe de résistant·es, c'est-à-dire de patriotes organisé·es pour détruire les infrastructures d'une occupation dont se réclament les sympathisant·es actuel·les de ce parti ; tentant ainsi de « dédiaboliser » une pauvre organisation terroriste ainsi personnifiée et auto-victimisée, Le Pen le renomme « Rassemblement national », alors que ce parti est justement à l'origine des tensions agitant notre pays : à la fois car le fascisme croît évidemment sur les tensions sociales qu'il entretient, mais aussi car le second tour des présidentielles n'est désormais plus que l'alliance quinquennale du fascisme et du capitalisme pour prendre nos droits, jusqu'au jour, sans doute proche, où le fruit sera mûr et où la bourgeoisie française tentera directement de le faire élire (c'est déjà plus ou moins le cas si l'on observe le temps d'audience du Front National et le temps de discussion de sujets comme le port du hijab par rapport aux enjeux qui font réellement descendre les français·es dans la rue, comme la crise climatique actuelle et la réforme des retraites (cf. à ce sujet les podcasts de jor sur les élections, notamment l'épisode 2, qui traite des médias et des éléments de langage concernant les mobilisations sociales, allant de la « prise d'otages » au « baroud d'honneur »)). Notons enfin le nom du parti d'Éric Zemmour, « Reconquête », alors que c'est bien le camp des travailleur·euses qui devrait reconquérir ce qu'il a perdu : le RMI, les retraites, l'école, bref tous les services publics en train d'être privatisés (la loi de Spica impliquant que les pays ne disposant pas de contre-pouvoirs suffisants deviennent des pays du tiers-monde). On ne peut donc pas simplement prendre Éric Zemmour pour un gros débile : c'est un politicien compétent, une ordure certes, mais parfaitement consciente de ce qu'elle fait et plus consciente, en réalité, que vous de la situation et des intérêts qu'elle peut y trouver. (De même, Bernard Cazeneuve a écrit ce passionnant rapport sur le Rwanda, que je lirai quand j'en aurai le temps : une classe politique faisant semblant d'être complètement débile a succédé à un président ayant payé son coiffeur 10,000€/mois pour le faire ressembler, à dessein, à l'être le moins crédible et charismatique du monde.)
Pourquoi l'extrême-droite fait-elle ça ? Quel intérêt y trouve-t-elle ?
Option 1 : c'est pratique. Elle sait parfaitement ce qu'elle fait, elle n'a plus qu'à dire que c'est nous qui le faisons, et inversement.
Option 2 : afin de semer le trouble. L'objectif est aussi de perdre l'électorat, qu'il ne sache plus où donner de la tête. Qu'il abandonne l'idée même de s'informer puisque la réalité martelée par les médias bourgeois entre en contradiction avec le bon sens le plus élémentaire. Un électorat désinformé est un électorat qui vote contre ses intérêts, pour les menteurs les plus séduisants, et donc pour les candidat·es de la bourgeoisie, allant du banquier à la fasciste et donc du moins au plus autoritaire, comme des consommataires mal informé·es achètent des produits vus dans des publicités sur Instagram. Bref, il suffit ensuite aux médias bourgeois de mettre en valeur des candidat·es pour que des électaires désinformé·es votent en leur faveur.