Présidence du Grand Lyon : EELV trahissait avant même d'être élu

Avant même son élection à la présidence du Grand Lyon, le parti politique EELV montait au créneau contre la gratuité des transports en commun. C'est pourtant une vieille lutte sociale, contre la gentrification, la pollution, et pour la mobilité. Il ne s'agit pas de prétendre que personne n'aurait réellement besoin de l'automobile, ni même que ce besoin ne concernerait pas des pans entiers de la société – besoin auquel il faudrait s'attaquer autrement qu'en « contraignant l'automobile » ou en établissant des ZFE –, mais que le coût des transports en commun représente un frein et, lorsqu'il n'est pas strictement supérieur à celui de l'automobile, une incitation à rouler dans des conditions honnêtement moins stressantes et plus confortables. L'argument avancé est que la gratuité sélective serait en réalité plus solidaire que la gratuité totale pour deux raisons : premièrement car les entreprises paient la moitié de l'abonnement de leurs salarié·es, tandis qu'EELV voterait (et a voté) la gratuité ou un tarif réduit pour 200 000 personnes, chômeur·euses, bénéficiaires du RSA, étudiant·es, allocataires de l'AAH, etc. Deuxièmement car la gratuité universelle représenterait une réduction de 9€ aux allocataires du RSA pour 65€ aux salarié·es qui, soulignent les autaires, peuvent être des cadres (jor nous rappelle qu'iels représentent 9 % de la population française). Cela revient évidemment à gommer une masse salariale vulnérabilisée, composée en majorité d'employé·es et d'ouvrièr·es rémunéré·es au Smig, lorsqu'iels ont la chance d'être déclaré·es ; rappelons par ailleurs que la moitié des français·es ont moins de 100€ sur leurs comptes bancaires le 10 du mois. Évidemment, ces arguments mensongers – avancés par deux inconnu·es appelant Lyon « la capitale des gaules », l'expression correcte étant « des trois Gaules », avec une majuscule, je le savais lorsque j'avais 6 ans – reposent sur l'ignorance du fait que les impôts sont un principe de solidarité. C'est le principe du financement du service public, des écoles, de la recherche, des bibliothèques, des garderies, etc. Je n'arrive donc pas à croire que ce parti ait été élu face à une coalition de gauche, promettant la gratuité des transports.

Pour le plaisir, peut-on souligner la mauvaise foi des autaires, qui les pousse à ne citer que les arguments les plus fragiles de candidat·es de gauche, perçu·es comme concurrent·es, ce qui en dit long sur le positionnement politique de ce parti de garage ?

Lors du débat de France 3 Rhône-Alpes, Nathalie Perrin-Gilbert a affirmé qu’​« un anneau des sciences qui n’est pas fait, c’est 10 années de gratuité des transports en commun ».

L’argument est étonnant, car une des principales critiques émises contre ce projet est qu’il n’est absolument pas financé. La gratuité ne l’est donc pas davantage. La promettre sans présenter de solution de financement crédible fait de la gratuité des TCL un exemple de mesures proposées à des fins électoralistes.

Quid d'une foule d'arguments en faveur de la gratuité des transports en commun, allant du bon sens – les contrôles des titres de transport sont une pratique abjecte, intensifiée lors des fêtes familiales car l'amour est l'acceptation pour son principe même de sa vulnérabilité envers autrui comme moteur d'action, évoquant donc les violences psychologiques par lesquelles des parents font associer et font comprendre l'association volontaire de leur violence à l'amour et donc à la vulnérabilité consentie que leur enfant est censé éprouver – à des travaux scientifiques publiés dans des revues à comité de lecture faisant autorité, et donc validés par des pairs ?

Pour de nombreux·ses étudiant·es, l'automobile reste un mode de transport plus économique que les transports en commun, les postes de dépenses principaux étant alors de payer son loyer et de faire ses courses, la « précarité étudiante » intégrant, d'une manière qui peut paraître, et à tort, futile, l'inaccessibilité économique des soirées étudiantes, l'intégration au sein d'une promotion étant évidemment associée au soutien psychologique dont peuvent bénéficier les étudiant·es et donc à leur réussite. Prendre le bus par principe serait alors à peu près aussi stupide qu'utiliser Linux et boycotter Google Drive, tout l'enjeu de cette période étant de réussir ses études. De même, ce sont notamment les français·es les plus pauvres que l'on voit se rendre au travail en voiture, à la fois car leurs tâches sont pénibles (et donc qu'iels n'ont pas l'énergie d'un cadre se gargarisant sur son vélotaff) et aussi car économiser de l'argent en prenant la voiture leur permet de préserver – autant que possible – leur santé mentale, en d'autres termes car leur santé en dépend, un cas de burnout domestique, notamment chez les français·es les plus démuni·es en capital culturel et donc les moins capables de faire valoir leurs droits mais aussi par manque de droits associés au travail domestique, en particulier chez les chômeur·euses et surtout dans les cas de « chômage structurel », pouvant ne pas être suffisamment pris en charge (avec des conséquences dramatiques pour ces malades).

Il va sans dire que « contraindre l'automobile » de manière égale et plus encore lorsque cela revient à surpénaliser les pauvres n'est pas une solution pérenne, sans parler de justice sociale et climatique. A fortiori, faire campagne contre la gratuité des transports en commun avec des arguments mensongers, sans doute simplement afin de mener une carrière politique de parasite, peut-être afin d'éviter une hausse des impôts et donc de froisser un bassin d'emploi de complaisance, ne peut qu'aggraver les problèmes de pollution urbaine mais aussi contraindre les plus pauvres d'entre nous à acheter de l'essence au groupe Total, et donc à encourager des alliances politiques entre la France et des tyrans, à fermer les yeux sur des ventes d'armes à l'Arabie saoudite, etc. Il me semble enfin que mieux un quartier est desservi par les transports en commun, moins ses habitant·es prennent la voiture, que c'est un fait connu en urbanisme ; évidemment, plus un quartier est pauvre, plus le prix des transports en commun dégradera leur accessibilité, et augmentera donc mécaniquement l'usage de l'automobile. Quand le sage montre un déséquilibre dans le compromis utopiste entre salariat et patronat sur lequel est fondée notre confiance en l'État (Castel, 1995), l'idiot regarde les pauvres.

Références

Castel R., 1995, Les métamorphoses de la question sociale. une chronique du salariat, Paris, Fayard (L’espace du politique), 490 p.

17/100 #HundredDaysToOffload 100DaysToOffload.com