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Attaquez Monsanto si vous voulez, mais n‘écorchez pas au passage les agences publiques indépendantes


Application de glyphosate sur des chaumes au Yorkshire du Nord, Angleterre. Source: Chafer Machinery

En abordant l’éditorial intitulé N’attaquez pas les agences scientifiques à des fins politiques publié la semaine passée dans la revue scientifique Nature, on croit avoir affaire à une autre critique dénonçant l’acharnement des négativistes climatiques contre les institutions publiques. Curieusement, ce sont plutôt les attaques des activistes envers les agences de sécurité alimentaire qui sont dénoncées. Bernhard Url, l’auteur de l’éditorial, est directeur exécutif de l’Autorité européenne de sécurité des aliments, et place le glyphosate (herbicide dont la réautorisation au Canada suscite des inquiétudes) au cœur de son éditorial.

Alors que les données probantes cadrent mal avec la trame politique portée par les mouvements écologistes en vogue, la journaliste Marie-Monique Robin conforte leurs préoccupations en attaquant Monsanto dans un article publié en 2018 dans le journal Le Devoir, quitte à écorcher au passage toute une cohorte de scientifiques travaillant pour des agences publiques indépendantes, considérés soit comme corrompus, soit comme naïvement manipulés par les forces occultes d’une industrie tentaculaire.


Article publié dans LeDevoir

Laissons Monsanto se défendre toute seule. Défendons plutôt les agences publiques que nous nous sommes données pour assurer notre sécurité alimentaire. Non pas par pure loyauté, bien sûr, mais par souci d’entretenir une démocratie bien informée.

Bien que les revendications des activistes anti-Monsanto s’expriment en alléguant au glyphosate des effets qui ne sont pas mesurés (ou qui le sont, mais dans des études hors-contexte, picorées ici et là, souvent de mauvaise qualité, parfois financées par l’industrie des produits naturels), au cœur de leur discours se trouvent pourtant des arguments politiques valides, tout aussi justifiables que contestables (et que parfois je conteste ou approuve volontiers), liées au “rôle des pratiques agricoles modernes et les entreprises multinationales de biotechnologie dans notre approvisionnement alimentaire”, pour reprendre les mots de Bernhard Url, qui ajoute qu’ ”une discussion sociétale plus large sur ces questions est essentielle, mais elle ne sera pas obtenue en s’en prenant aux sciences réglementaires. C’est le rôle des politiciens de représenter les valeurs, les besoins et les attentes de leurs électeurs par des processus démocratiques.

Bernhard Url discerne ainsi ce qui tient de la science de ce qui tient des valeurs. En effet, le rôle que l’on a conféré aux agences publiques à vocation scientifique n’est pas de dire ce que l’on veut entendre (ça, c’est selon moi le rôle que l'on donne aux politiciens), mais bien de dire la vérité. Étant avisé.e.s par le meilleur des évidences, les élu.e.s seront à même de déployer rapidement des cadres réglementaires qui tiennent compte des valeurs citoyennes.


Éditorial dans Nature

Aussi, pour Bernhard Url, les interactions entre l’industrie et les agences devraient être davantage encadrées. En retour, il faudra s’attendre à davantage de financement public pour la recherche indépendante et consciencieuse. Le cadre d’une démocratie bien informée, où la culture scientifique est valorisée, où les agences publiques ont un rôle scientifique prépondérant, où la recherche indépendante est suffisamment financée et où les données probantes ne sont pas manipulées, établira les conditions nécessaires pour prendre des décisions avisées, notamment sur l’autorisation des produits et pratiques en agroalimentation.

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