pour couper le cirque cuit

#tendredis

12 février 46

je vous envoie
un sentier secret dans la pinède
traversée de part en part
parce qu'au bout
on aperçoit la mer
le geste arrondi
du bras et de la main
pour écarter un rameau
gelé fragile cassant
et la minute volée au matin
— marquer l'arrêt
bouche ouverte regard fixe
pour écouter le vent nouveau

5 février 45

je vous envoie
la force vive de l'eau sauvage
qui trace sur le fleuve
des remous fugaces et troubles
tourbillons, courants et reflux
sans arrêt noués et dénoués
la lenteur
du pas tranquille
du pas pressé chat libre
revenant mais jamais parti
indifférent peut-être
à la nuit de bourrasque
et au matin gris
comme lui
et la caresse imprévue
de sa main derrière l'épaule
avant de partir
vague de confiance
chaleur du jour

29 janvier 44

je vous envoie
par la vitre ouverte
un immense ciel ouvert
la pâleur du givre
dans l'herbe rase
qui crépite sous le pied
une heure entière
pour faire des bêtises
ou rester sage
ou dormir encore
ou bien rien
rien c'est bien aussi
la fin de la journée
commence le matin

22 janvier 43

je vous envoie
trois lignes à peine

la ligne d'écriture
maladroite et touchante
qu'un écolier d'autrefois
a remplie de lettres penchées

de la vallée à la forêt
et des pâturages aux sommets
la ligne des montagnes
qui s'étire et s'ébroue
pour narguer l'horizon

et du creux de la main
au chemin périlleux
le fil amoureux de la ligne de vie

15 janvier 42

je vous envoie
un grand élan vers les vents
qui se balancent
dans le premier chant des roseaux

une lumière encore
obstinée

car dans les cœurs et dans les yeux
toujours intact
toujours brûlant
couve le feu

8 janvier 41

je vous envoie
l'arrondi d'un joli galet gris
même pas rond un peu allongé
qu'on va laisser briller dans l'eau
et glisser sous le pied nu

la trop bizarre lueur rose
d'un petit matin givré
observée de la fenêtre
la tasse déjà tiède à la main

et une grande inspiration
pour déguster
un filet d’un air glacé

1er janvier 40

je vous envoie
le regard confiant
du gros chien du voisin
il sait qu'il aura encore
une année de caresses

le chaton débutant
qui tâte de la patte
la neige du nouvel an
blanc sur blanc

chaque matin qui contient
mille autres matins
pour jouer rire et chanter
ensemble

25 décembre 39
je vous envoie
le chuchotis au doux bruit
dans l'obscurité complice
d'une nuit clignotante

la pluie lente et bienveillante
qui rince les traces de tristesse

et le silence que rien n'explique
pour retrouver les étreintes attendues

19 décembre 38

je vous envoie
140 kilomètres de petites routes
avec ses villages endormis
des vaches au pré
les longues forêts sombres
la ligne des collines
franchie en deux virages
le vieux pont sur la rivière
la boulangerie ouverte
sur la place de l'église
et la première aperçue
qui des doigts envoie
un baiser

12 décembre 37

je vous envoie
140 kilomètres de petites routes
avec ses villages endormis
des vaches au pré
les longues forêts sombres
la ligne des collines
franchie en deux virages
le vieux pont sur la rivière
la boulangerie ouverte
sur la place de l'église
et la première aperçue
qui des doigts envoie
un baiser

11 décembre 36

je vous envoie
la queue balancier du chien
frétillant à l'idée de foncer dehors
museau tendu regard confiant
plein d'un désir de vitesse
un magazine d'autrefois
avec la photo de claude françois
morceau d'hier bien oublié
qu'on a gardé pourquoi mystère
et le bol au creux des mains
qui offre la chaleur du matin
le sourire du café pour la journée

4 décembre 35

Je vous envoie
2 mètres cubes d'air libre en plus
capté à 2 mille mètres
sur le versant venteux des alpages
de hautes pressions dans les boissons
des millibars et des minibars
et dans le creux le plus doux de l'oreille
la mélodie secrète de la nuit
sera le battement de cœur du #tendredi

27 novembre 34

je vous envoie
le murmure tremblé
du chuchotis dans l'ombre
les mots qui font sourire
de la voix claire au matin
le souffle qui apaise
l'air chaud qui efface
et la brise qui embrasse
la tiédeur du moment

20 novembre 33

je vous envoie
le frémissement rapide
de l'oreille du chat
pourtant plongé dans un rêve
mystérieux mais à coup sûr
plein d'aventures
ce souvenir de l'été
planer un instant dans l'espace
glisser au ras du fleuve
quand le corps se tord
pour entrer dans l'eau
ce fleuve encore
à peine ralenti mais jamais endormi
le puissant mouvement
qui porte son désir vers l'estuaire
et nos désirs d'enfant
vers l'immense océan

13 novembre 32

je vous envoie
la malice de l'eau glacée
invisible et rapide
qui sous le robinet
glisse entre les doigts
une tasse au bord ébréché
trace peut-être d'une dent vorace
trop pressée d'engloutir le café
et la page de cahier
où un dessin naïf
avec des mots inventés
aux crayons de couleur
seront douceurs jusqu'au soir

6 novembre 31

je vous envoie

la chaleur du fauteuil
occupé longuement par le chat
parti soudain dans le jardin

le regard étonné mais complice
de l'enfant quand son père
fait des bêtises pour l'amuser

et le tracé de l'invisible avion
qui dans un ciel bleu polaire
reliera le point du jour
à la douceur de ce soir

30 octobre 30
je vous envoie
des genres de mots
le vit, la vie
le vent lavant
le temps l'attend
toutes sortes de pluriels
une prime déprime
un fake défèque
une soie déçoit
un cap décape
un but débute
une route déroute
une robe dérobe
mais
un haltère désaltère
une foule défoule
un livre délivre
un corps décore
et un lit délie

23 octobre 29

je vous envoie

la petite voix d'un enfant
étonné d'être réveillé
mal sorti embrumé
d'un sommeil plein d'aventures

le sschuuuut continu du vélo
qui glisse sans effort
sur la rue trempée de nuit

et ce refrain mi-figue mi-raisin
à mi-voix fredonné
ami secret pour vous accompagner
cette journée encore

16 octobre 28

je vous envoie
un gros chien grommelant
ni furieux ni content
tout à fait occupé
à mordiller vos souliers
dans la nuit qui s'obstine
la lueur retrouvée
qui ramène au hameau
à pas moins hésitants
et les instants qui manquent
pour oser lui dire
les trois mots
qui pourraient tout changer

9 octobre 27

je vous envoie
la balle rebondissante
lancée avec confiance
qui revient exactement
dans votre main
la clé de la boîte aux sentiments mêlés
où l'on met les mots suaves
ceux qui sauvent et qui savent
allumer la lumière dans ses yeux

2 octobre 26

je vous envoie
la ronde et belle
lune pleine
géante aperçue à l'aube
le vent vif et puissant
qui pousse à vive allure
de milliers de tonnes d'eau
sur nos ciels barbouillés
mais sous le toit vibrant
notre murmure chantant
et ses bras pour abri
au creux de nos draps

18 septembre 25

je vous envoie
par le canal magique
des ondes internautiques
7 saisons inédites
de votre nouvelle vie
— pas dispos sur netflix
avec des épisodes excitants
impossibles à prévoir
des moments incertains
et des rebondissements
vos histoires amoureuses
moelleuses comme du chamallow
à déguster lentement
sans soupirs ni tourments
à partir de tout d’suite

11 septembre 24
je vous envoie
trois minutes de lenteur en plus
gestes esquissés
audacieux et naïfs
jeux délicieux
sous la lune qui s’efface
et le ciel rose qui s’allume
la cabriole enthousiaste et pataude
d’un gros chien noir
sur les feuilles rouillées
tombées du coudrier

4 septembre 23
je vous envoie

le premier long étirement
qui repousse la couette
et un souffle d’air frais
par la fenêtre ouverte
la surprise d’une coquille
qui craque et se fend
pas creuse cette fois
une petite noisette à croquer

et dans la lumière du matin
un regard vers le ciel
pour un jour de septembre
une pensée tendre dans le cœur
secret

28 août 22

je vous envoie
les boursouflures du blanc d’œuf
qui grésille dans la poêle
et le plaisir de percer les bulles
d’un coup de fourchette
l’abri de l’averse sous le grand sapin
avec pourtant la branche
qui lâche une grosse goutte
pile dans le cou
ça chatouille un peu
l’eau qui rigole
dans le dos
et la planche jetée
en travers du ruisseau
pour franchir la journée
comme une fin de semaine
qui promet le repos

21 août 21

Je vous envoie

dans la rue étroite et pentue
le côté bien à l’ombre
dans la torpeur de trois heures

le coup de dent succulent
dans la pêche presque trop mûre

et le chat
les yeux clos
qui enfonce doucement ses griffes
dans la partie la plus molle de votre corps
pour en vérifier la stabilité
et s’installe
pour la journée

14 août 20

Je vous envoie
la lenteur tranquille de la mer
qui vient déranger la lisière
des algues sèches
trois cents kilomètres
de nuages bleus qui défilent
de la presqu’île au continent
et pour lancer dans l'espace
le poids mort des pensées
qui nous lassent
je vous envoie
au moins trois fois
la vitesse de libération

07 août 19

Je vous envoie

le savon verveine citron
qu’on aimerait en sorbet
savourer sur son corps

les vingt derniers mètres
maintenant si faciles
au vent glacé du versant
le rocher arrondi où s’asseoir
pour regarder les deux vallées

et comme chaque année
le même village à peine réveillé
pour un premier café
avant le grand trajet

31 juillet 18

Je vous envoie
trois gouttes de citron
dans l’eau froide
la caresse
du glaçon
qui glisse
sur la cuisse
et dans l’aube
endormie
sur la vitre une guêpe
qui s’enfuit

24 juillet 17

je vous envoie
les amants de Vérone
sur les aimants du frigo
un grand roi qui règne en maître
sur un timbre de quinze millimètres
tout Victor Hugo
dans un tuto en deux minutes chrono
deux mille ans d’histoire du monde
avec 5 post-its et 12 diapos de mèmes
mais une seconde à peine
où rien d’autre n’existe plus
un seul regard timide qu’on ose échanger
et le premier baiser
qui secoue les planètes
et fait chavirer le monde

17 juillet 16
Je vous envoie
Une photo ancienne
Qu'on n'avait jamais vue
Dans l'album d'un cousin
Qu'on ne voit pas souvent
Une sieste au frais
Dans la chambre sombre
Pour rêver d'un torrent
Qui dévale un pré
Où deux vaches
Parlent philosophie
Et dans un instant de grâce
Le cerf-volant au fil rompu
Si loin si haut parti

10 juillet 15

je vous envoie
la toupie ronflante
des premiers tours de danse
les jours longs
les pieds nus
les galets ronds
le pas lent
les yeux clos
la lumière assoupie
le soupir après l’amour
et la nuit sans mystère
où les tourments s’apaisent

3 juillet 14

je vous envoie
derrière le fourré
qui griffe de ses ronces
et trempe les chaussures
de ses herbes insistantes
l’horizon retrouvé
sous un grand ciel ouvert
sur la table toujours encombrée
délicieux fouillis
de papiers de stylos
de piles de livres de piles de feuilles
le carnet à malices
des petits secrets salés
parmi draps édredons
couettes et couvertures
ces complices enlacés
du sommeil
le tout simple chemin du matin

26 juin 13

je vous envoie
une maigre grappe de groseilles
sur la main bien à plat
pour ne pas risquer
de les écraser.
le roman terminé
sous le réverbère de la rue
qui grésille de moustiques
dans le plain-chant de la nuit
et le grand souffle attendu
du vent de l’orage

19 juin 12

je vous envoie
le reflet ondulé de la lampe
à la surface agitée de la tasse de thé

une voix dansante et lointaine
inconnue entendue à la radio
enlaçant saudade et tango

un soupir un regard une feuille pliée
où s’endorment apaisés nos secrets

et sur une étagère
où trop de livres se serrent
la liste par ordre alphabétique
des plus charmants prénoms
qu’on pourrait aimer

12 juin 11

je vous envoie
les plannings d’avant-hier
mixés dans le blender

un vieux film d’horreur
qui fait même pas peur
avec un monstre hideux
payé au lance-pierre
dans une scène sur deux

et au loin vers le couchant
dans la lumière au ras des flots
les lueurs éphémères
d’un parfait rayon vert

5 juin 10

je vous envoie

une lueur vive
dans la nuit grise
chaleur de la liqueur
au creux de la langue

un fil de pluie molle
en rigole sur la vitre

l’orange pas pressée
le chemin pas tracé
l’éclaircie aperçue

et dix enjambées décidées
pour gagner au bas de la rue
la partie de hasard
que l’on croyait perdue

29 mai 9

je vous envoie

le plaisir de savoir
quel toit seul étincelle
au premier rayon

un sourire qui perce à peine
fragile paille qui voltige
au souffle du matin

et dans le flot ralenti d’un ruisseau
égaré dans les ronces
et les herbes longues
le miroir mouvant
de nos regards échangés

22 mai 8

je vous envoie

le long profond sommeil
qu’au réveil on s’étonne d’avoir fait

un paquet de 52 cartes
classées par les tropiques
Anjouan Saint Kitts Souva
Svalbard Féroë Miquelon

et au jeu de cette famille
je demande la grand-mer à boire
— pioche !

15 mai 7

je vous envoie

le souffle lent du printemps
incertain au matin
— mais midi a décidé d’être en été

la rumeur de la mer
entendue au bord d’un verre

et pour chaque pas dans l’herbe
qui monte en liberté
le souvenir du sable
entre les doigts de pied

8 mai 6

Je vous envoie
deux minutes immobiles

dans la nappe de silence
un lointain chant d’oiseau

puis deux encore
d’un trille à l’autre
sur trois octaves

et sur un chemin de papier
échappé dans la marge
le plan secret
pour inventer la journée

1 mai 5

je vous envoie

le premier mais
pas le dernier
du mois d’aimer

aujourd’hui c’est #tendredi
regards aimants sourires
petits mots glissés
de main discrète
sous la serviette
ou chuchotés
dans l’oreillette

24 avr. 4

Je vous envoie

une ligne de basse
deux tasses de sucre
125 grammes de raisins secs
une mesure pour rien
thermostat trois
à quatre temps
pour préchauffer le jour

pas un soupir pas un souffle
mais des regards vers le lointain

et ces îlots dans l’herbe verte
dressés modestes ou triomphants
les pissenlits qui s’en balancent

17 avr. 3

Je vous envoie

la minute de paix
sous la douche
rien d’autre
que les yeux clos
dans l’eau chaude

le ciel bleu avril
si proche
qu’on pourrait le mordre
en redressant un peu la tête

et dans un verre d’eau glacée
le tourbillon tranquille de nos pensées

10 avr. 2

Je vous envoie

autant d’images
que dans l’album
d’une enfance
d’autrefois

une Indienne à plume
une autre en sari

le capitaine à casquette
sur la péniche hollandaise

et le loup affamé
qui s’en va pécher
sur le lac gelé

autant de souvenirs pour demain
à raconter aux enfants
qui naîtront en décembre

3 avr. 1

Je vous envoie
le bruit du vent
quand il rejoint
la branche en fleurs

le seul chemin
qui va plus loin
bien après les champs
bien après l’étang
jusqu’à la colline
ou peut-être
une clairière

et tracé sur la vitre
le trajet du retour
vers le désir de vivre