La Galerie des Oubliés
J'ai toujours aimé les brocantes, me perdre dans ces cimetières des souvenirs orphelins. J'y vis un jour un spectacle désolant : une dizaine de vieux portraits, tout en nuances de gris, étaient enfouis sous un tas de revues sans intérêt. Curieux, je leur donnai un peu d'air. Immédiatement, une dame élégamment coiffée me sourit. Puis, ce fut au tour d’un jeune soldat posant, robuste et fier, auprès de sa jeune veuve. Je continuais à découvrir ces visages disparus. Une famille nombreuse me regarda à son tour, fixement, à travers le siècle qui nous séparait.
Ces photographies étaient sans doute l’unique témoignage de la vie sur terre de ces malheureux. Plus personne ne semblait s'en souvenir et encore moins s’y intéresser, au point de mettre en vente leur reflet pour quelques euros, entre des jouets chinois et des verres à bière usagés. Comment ont-elles pu être abandonnées ?

Si j'en avais les moyens, j'achèterais une vieille maison bourgeoise dans le centre-ville de Digne. Dans ses nombreuses pièces ouvertes au public, j'y installerais des portraits abandonnés dans cette Galerie des Oubliés, pour leur offrir l'éternité.