J’expérimente des machins, j’écris des trucs triviaux.

Lettre à ces gens

J’ai rejoins une paroisse pour trouver une communauté, un moment, un lieu, pour célébrer l’Amour du Christ, ma foi, le chemin spirituel que Dieu m’a fait prendre; rejoindre une communauté bienveillante, qui ne connaît pas nécessairement la vie de chacun de ses membres, mais qui sait les accueillir et entrer en harmonie avec eux, pour faire vivre ce à quoi on croit: l’amour, l’espoir, la paix en Christ.

Parfois mes pas s’éloignent de ma paroisse, m’amènent à d’autres églises où je célèbre, avec d’autres anonymes, les rites de l’Église catholique. Souvent, ça se passe bien et j’en ressors avec beaucoup de joie.

Malheureusement, il existe au sein de nos communautés paroissiales des personnes qui ne comprennent pas l’importance de nos diversités en Christ, le privilège de faire la messe en compagnie de personnes trans, homosexuelles, venues de leur plein gré, avec espoir et optimisme. Parfois, ces personnes pensent qu’il est de bon ton, ou même de leur devoir, de venir nous accueillir en nous faisant savoir leur compassion, à quel point il n’est pas trop tard pour nous de devenir invisible, ou de cesser d’exister. Parfois, ces mêmes personnes portent en elle le même potentiel queer, que nous avons laissé vivre, mais elles ont passé tellement de temps à l’étouffer, qu’elles pensent normal de pousser les autres à en faire de même.

Je savais que cela risquait d’arriver. J’ai conscience que me rendre dans un espace catholique pratiquant c’est m’exposer à de la haine, de la peur, des blessures morales et religieuses. Je ne m’attendais pas à ce que ça puisse m’atteindre si fort. Je ne m’attendais pas à ce qu’on vienne me parler “à la demande de Dieu”, qu’on vienne attraper mes poignets, qu’on se permette de me toucher la jambe. Je ne m’attendais pas à donner le bénéfice du doute à ces personnes, à me demander si je n’avais pas été trop visible, trop dans l’assurance de mes actions et de mon existence.

Ce n’est que quelques personnes, alors même que les autres sont bienveillantes ou indifférentes, mais c’est elles qui arrivent à occuper mes pensées. Quand j’y pense, je définis ça comme du terrorisme cordial: des balles tirées avec le sourire, le regard pleins de compassion, à la fin de la messe.

Un prêtre nous parle de lutte contre l’injustice, nous invite à nous tenir debout contre les horreurs du monde, faire face aux atrocités commises par l’Église catholique, accueillir les marginaux; on dit amen, on communie, mais à la fin, on se lève et on va voir le marginal de service pour lui dire que Dieu placera les bonnes personnes sur son chemin, que cela le fera sortir des troubles, mais qu’en attendant il faudra être moins visible.

Si vous êtes de ces gens, voilà ce que j’ai à vous dire: je vous ai fait confiance, j’ai été me tenir dans vos espace, exposant ma vulnérabilité, ma foi. Plutôt que tenter d’ouvrir vos horizons, de rencontrer l’Autre comme le prêche l’Évangile, de saisir la chance de comprendre une personne mise à la marge, dont les camarades tombent chaque jour sous les coups & tirs de ceux qui considèrent que nos vies sont une erreur; vous vous fondez dans l’anonymat des masses bien pensantes, qui se contentent de nous juger du coin de l’œil, nous regardant nous faire battre, tuer, violer, sans intervenir. Vous vous en lavez les mains du haut de vos certitudes bien confortables.

Si vous êtes de ces gens, il n’est pas trop tard: vous pouvez encore ouvrir un livre, regarder une vidéo, vous rendre dans une association, vous demander en quoi mon existence visible vous dérange-t-elle.

Si vous êtes de ces gens, je vous pardonne.