au présent
La beauté du colleur d'affiche à 21h30. Il recouvre un événement par un autre, ses gestes sont précis et rapides, il lance un petit regard par dessus son épaule et je pourrais l'embrasser, pas lui, mais la délicatesse de ses gestes, la beauté des couleurs, la texture de sa salopette et ce regard juste suffisamment dédaigneux. Il n'est pas du côté des gens qui courent après les événements, il les annonce.
Les couloirs s’enchaînent, et sur l'escalator je sens la bascule. Les escaliers s'accélèrent et un frisson glisse de haut en bas de ma colonne. Je pense : ça va repartir, tu vas vouloir tout faire d'un coup tout lire tout écouter tout parler tout prendre. Le crissement de l'escalator est mon indication, ma chanson, l'élément qui me fait basculer. Il me chante un futur plus vif, où tout glisse, où je parle fort et me lève trop tôt. Pour le moment l'escalator chante à mon oreille et je suis surpris de constater que vous ne l'entendez pas.
Elle a mangé une clef elle me dit de quelqu'un avec une étiquette, quelqu'un dont on dit tu sais elle est ... . Je vois un pot de confiture, avec un diagnostic et une année. Quelqu'un ajoute ah oui là quand même. Et moi je pense à toutes mes conneries, mais je ne les dis pas, comme je ne parle pas de mon étiquette, ni du réel devenu plus réel il y a quelques jours à peine.
J'ai longtemps pensé que le temps s’enchaînait, comme un fil sur lequel on accroche des polaroïds les uns après les autres, mais c'est faux, ce sont des milliers de temps qui se superposent et se confondent. A l'intérieur, il y a les milliers de temps et ça fait une symphonie bordélique, alors que moi j'aime le classicisme et l'harmonie.
Alors je plisse les yeux et je respire. On me dit respire et sois dans le temps présent et je pense : ça n'a pas de sens, vos sens, votre corps ne peuvent pas être dans le temps présent, on ne pense qu'avec le passé, le reste c'est une fiction créée dans votre tête.
et alors, si c'est une fiction, on peut croire à une fiction