Ce qui vit dans nos têtes
Sur une récente story instagram, feministangst interroge la place des films/ livres / objets qui se sont frayés un chemin dans notre tête et vivent maintenant de manière indépendante.
Le point de départ est l’obsession pour certains films, regardés en boucle pendant une période courte. Ces films nous imprègnent de manière intense, puis semblent disparaître, pour mieux revenir par vague. Une couleur, un sentiment les rappelle à notre existence. A chaque rappel, un nouveau sens y est ajouté. Il ne reste de l’oeuvre de départ qu’un son, une image, qui reste en nous.
Visuellement, le pull rouge de Paris, Texas de Wim Wenders a longtemps été une de ces images qui restent.
J’ai vu ce film très jeune. Toute l’histoire a été oubliée. Une seule chose évoquait ce film : le pull rouge et les cheveux blonds de Nastassja Kinski. Cette image s’est détachée entièrement du film, elle existe par elle-même et prend un sens différent.
Les autres personnages, l’intrigue même ont été effacés. Je ne me rappelais pas de la trajectoire du personnage de Jane, sinon qu’elle était le personnage principal du film (en fait pas vraiment) et qu’elle avait gagné sa liberté.
Le film est tout autre : Jane a fuit un compagnon violent qui l’attachait au radiateur et lui accrochait une clochette pour l’entendre en cas de fuite, elle n’a pas vu son enfant depuis des années. Paris, Texas fait référence à un bout de terre acheté par le père de Travis, qui mentait à propos de l’origine de sa femme, faisant d’elle une parisienne. “Il ne pouvait pas la voir pour qui elle était vraiment” dit Travis, à propos de son père.
Dans mon imaginaire fantasmé, le pull et les cheveux de Jane représentaient tout à la fois la liberté et la vulnérabilité. Le titre du film s’est autonomisé : Paris, Texas était l’histoire de cette femme, vivant à Paris, Texas. C’était une cocasserie. Elle vivait à Paris, comme on vit dans un rêve, un lieu qui n’est pas vraiment sur les cartes. Elle était libre, car vivant dans les limbes de la géographie, dans une ville qui en est une autre.
Son pull est une couverture, ses cheveux un déguisement et c’est ainsi qu’elle a gagné sa liberté.
Ce film a vécu à l’intérieur de moi, de manière autonome. Le mari, l’enfant, le reste de la famille, n’existait plus. Il ne restait qu’un pull rouge et des rêves de liberté.
Est-ce qu’on a besoin de voir un film pour le voir ? demande feministangst
On oublie, et ne restent des œuvres que des détails infimes, qui se déploient en nous. En les observant, ils nous font voir des aspirations belles et terrifiantes. Au final, c’est tout ce qui reste : nos rêves et nous.