je ne travaille plus et écris le reste du temps

c'est comme marcher le bord d'un trottoir, au pire c'est le caniveau

deux statues sans visage

Je ne prends pas de risque, tout se passe à l'intérieur d'une boite crânienne solide, je ne l'ai brisée qu'une fois, un été de retour de voyage, le chauffeur de bus était bourré et il a freiné d'un coup, j'étais debout à tenir les bagages, j'ai fait un vol plané, je crois qu'on n'a jamais rien dit au chauffeur bourré, ma mère gérer seule mes sœurs et nos bagages, j'ai eu des points de suture et j'étais étonné que ça ne fasse pas plus mal ;

la douleur c'est compliqué, je n'arrive jamais à savoir si elle existe ou pas, pourtant j'ai vu ses dégâts, j'ai vu le fantôme de la douleur passer sur le visage de ma mère, mais j'ai préféré l'appeler fatigue et même fainéantise, j'en suis pas fier mais parfois je me dis qu'il faut reconnaître ses erreurs pour apprendre d'elles ;

mais c'est pas vrai, j'ai honte de ma douleur, je voudrais la forcer, la traverser comme le cercueil de Beatrice Kiddo dans Kill Bill, l'actrice Uma Turman a raconté qu'elle avait été maltraitée sur le tournage, qu'elle avait souffert, et j'ai eu honte de sa souffrance, la douleur ça s'endure ça ne se dit pas, les mots sont des ennemis, les mots et puis le regard de pitié qu'on vous jette,

et puis parfois les gens disent “moi aussi j'ai mal” et puis ils parlent de leur douleur et puis je me tais parce que la douleur c'est relatif et j'arrive pas à savoir si elle existe ou pas, tant mieux ça me donne un prétexte pour ne pas la dire ;

je vous vois pleurer sur les douleurs du christ qui a pris toutes celles qui n'étaient pas les siennes et je ne comprends pas.