C'est une fenêtre, je n'en trouve pas les volets
Une lumière diffuse entre dans la pièce. Les rideaux jaunes sont ouverts sur une impasse pavée. Un voisin secoue son tapis de yoga. Nos regards ne se croisent pas. La proximité nous embarrasse. On ne sait pas quoi faire de ces corps un peu trop proches. Entre nous, un grand vide et plusieurs étages. Mais nos visages se touchent presque. Je peux voir ses cernes, je peux voir son tee-shirt lâche et gris. Je peux voir, dans le fond de la pièce, son tapis de yoga neuf. La cour de l'immeuble a disparu, la distance anéantie, dans cet échange de regards en biais.
Je ne me demande pas ce qu'il voit de moi, de mes cheveux sales et de mon jogging moche. Nos regards ricochent au coins de la cour et j'imagine qu'il ne me voit pas, son regard bloqué par d'invisibles persiennes.
Il y a quelques semaines, à propos d'une citation de Camus, une personne m'a dit : j'ai lu cette phrase, j'ai eu l'impression d'être vue. J'ai hoché la tête mais j'ai pensé : moi je veux voir, ne jamais être vu. Quand je lis, je vois, je veux voir cet être mystérieux qui vit à l'intérieur de moi. Je n'ai aucune envie que vous voyez le bordel que ça provoque. Plus tard, peut-être, quand la mise en scène sera en place.
Pour le moment, j'évite. Les regards se croisent et ne se touchent pas. Ni saint ni touche, des rideau de velours tout autour, je rentre. La lumière entre par la fenêtre et je n'en trouve pas les volets. Mes mains dans le vide, dansent les poussières pailletées. J'attends de fermer, enfin les paupières. Pour mieux les rouvrir, de nouveau.