je ne travaille plus et écris le reste du temps

chaque chose à sa juste place

Hier je me suis réveillée une tranche de citron à la place de la bouche
sourire disgracieux que j'ai glissé sous mon masque
il brillait sous la double épaisseur, je n'ai pu faire grand chose
à part l'ignorer dans le bus roulant.

C'est un sourire kabyle j'ai répondu à un regard interrogateur
deux gouttes de sang glissaient de chaque côté de ma bouche
étrange, je me dis, le pouvoir des mots sur les choses
qui ne reviennent jamais à leur juste place.

La tranche a pourri tout au long de la journée
l'odeur fétide emplissait ma tête toute entière
comme un ballon d'air chaud et putride
c'est donc ça, je me dis
pourrir de l'intérieur.

Au milieu de la nuit j'ai senti la peau d'agrume
se détacher de mes lèvres, dessous la peau plissée
avait vieilli de plusieurs années
mes dents jaunes lumineux arboraient un éclat mat
que je ne leur connaissais pas
les croûtes de sang aux commissures formaient un sourire
tout à l'envers.

Mes doigts ont parcouru ces crevasses et ces plaies
comme des paysages de cartes topographiques
secs et morts où la vie
est passée.

J'ai regretté la tranche de citron putride
qui cachait ce qui est
maintenant à nu.