Collages [6/100]
Souvent, je regarde mon visage et ne vois que des bouts, fragments adossés les uns aux autres dans un château de cartes fragiles. Il m'est impossible de dire : ce bout-là c'est mon père tout craché, celui-là ma mère tout entier. Ce sont des brisures qu'on aurait pu récupérer n'importe où vraiment, chez le fleuriste comme chez le poissonnier. Ce visage n'a rien de cubiste, il n'y a qu'une seule perspective, plane et direct. Ce n'est pas une histoire Rashōmon racontée par une multitude de voix. Il n'y a que la mienne, qui s'étonne, de ne jamais reconnaître ni son nom, ni son visage.
Alors, comme j'ai réécrit mon nom, j'essaie de réécrire mon visage. Je tiens mon menton haut, mes yeux mi-clos et j'avance sûrement tout contre le miroir. Quand mon front rencontre la surface lisse, les éclats caressent ma peau en une explosion merveilleuse. Ça crisse, ça coule. Je ris de tout ce fracas dans une vitre. Sur mon front un champ de guerre, chaotique et élégant. Dans le sang mon nom apparaît, enfin. De mes entrailles je renais.
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