je ne travaille plus et écris le reste du temps

juillet – se rendormir

un père et sa fille _ sous titre "you don't" _ issue du film aftersun _

en juillet ma tête roule sur mon épaule ma respiration devient plus lente mes paupières se ferment une fois puis deux je glisse dans l'ailleurs je veux me vautrer dans le sommeil partir partir partir mais toujours je trébuche pieds imaginaires dans un tapis imaginaire en sursaut me réveille et en face de moi un écran affiche :

restez concentrés

je scrolle mes pupilles s'élargissent les bouts de corps se tordent sous mon pouce je regarde je regarde mais ce regard ne m'éduque qu'à la fuite, ça s'empile dans ma rétine j'ai plus de système de rangement il me manque une grande idéologie du XXe siècle pour structurer ce bordel – je dis impérialisme capitalisme néolibéralisme mais rien n'y fait, aucun ordre dans cette bibliothèque de corps – les enfants sans yeux les mères sans vie les pères sans deuil -

je les connais ces images quand mon père bouge dans la cuisine pour faire du café je vois tous ces gens à ses côtés ils me saluent parfois il font partie de la famille ils me hurlent dessus comme la famille il me prennent dans leurs bras comme la famille jamais ils ne s'excusent de hanter la maison

j'ai la flemme de leur parler alors je me rendors

c'est un faux sommeil, c'est une sieste de déni qui consiste à défaire les nœuds de l'histoire sans rien en retenir à part des mots plats et sans accroche des mots qui glissent et qui ne restent pas chapelet de mots creux, je l'égraine je dis : vraiment c'est compliqué, ce qui est fait est fait, on ne pouvait pas savoir, on a fait ce qu'on a pu, on ne peut pas être partout, et puis on est allé en manif, enfin sauf la fois où c'était trop tôt et puis la fois où c'était trop tard, et puis ça sert à quoi les manif et puis ça sert à quoi battre le pavé battre la campagne battre l'extrême droite est-ce qu'on ferait pas mieux de

dormir

je fuis mais mon sommeil n'est d'aucun métal assez solide c'est du calcaire que les images traversent souvent je fais mon sac pour la guerre souvent des morceaux de corps en moins au réveil je me dis c'est normal j'aurais dû parler aux fantômes de la cuisine poser la seule questionne qui vaille la peine quitte à en pleurer
“et toi papa ça va”

quand je l'appelle on parle 1/3 de la météo 1/3 des jo 1/3 de mes sœurs

je pense les cauchemars c'est rien qu'un maigre tribut car ici à part les braves à part les morts
qui peut prétendre mériter la paix ?