en novembre ~ des chochottes
En novembre je plie des feuilles de papier je couds des cartons colorés je choisis des modes d'impression je tape sur des imprimantes je parle tout le temps pour combler chaque seconde de quelque chose car je sais que bientôt je vais avoir mal et je suis une
chochotte
j’adore saint sébastien j’adore jeanne d’arc j’adore la passion la joue tendue et tous les martyrs mais pour moi non vraiment, dès que j’ai de la fièvre je chiale si je me cogne je jure je sais que c’est pas très original je le partage avec plein de gens
un soir, dans une librairie, une dessinatrice queer en vogue a dit, en passant nonchalamment sa main dans les cheveux : si les hommes de suicident plus c'est parce qu'ils encaissent moins la douleur en fait on peut dire que ce sont vraiment des chochottes
les gens ont rigolé
je sais pas ce que voulait dire ce rire si c’était du mimétisme, une ambiance nous-sommes-les-filles-des-sorcières-que-vous-n’avez-pas-réussi-à-brûler ou juste parce qu’il est marrant ce mot
chochotte
je le répète à tout le monde médecin-copain-infimière-amies-radiologue-chauffeur je dis bonjour je suis une chochotte on me dit ‘mais non’ je dis
j’y tiens
j’y tiens car je sais que la douleur isole et que tenir en silence ça isole encore
alors je dis chochotte et ça fait marrer et mes amies passent à la maison et m’envoient des memes de souris-garou et des photos de leurs chat et m’accompagnent pour des balades de pépés
et je rentre progressivement à la maison de mon corps qui a mal mais qui va bien
mon corps de chochotte.