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La ville morte – épisode 10 / la prière

Titre : la ville morte épisode 10 / la prière

Trois mots sont écrits sur un post-it collé sur un téléphone. L'homme le tient fermement, des petites tâches de buée se forment autour de l'écran. Je ne vois pas quelles lettres se forment dans le griffonnage. Les yeux de l'homme sont plongés dans son reflet dans la vitre du bus. Sa présence se détache et s'efface tout à la fois dans cette fin d'après-midi.

Sur ce bout de papier jaune et lumineux, j'imagine qu'il est écrit un bout de prière. Je veux croire qu'il s'agit de mots magiques, recopiés avec soin, en pensant à un être cher, à une chose minuscule et infime. Le regard de l'homme me dit qu'il aurait besoin de ce bout d'infini qu'on trouve dans la plus insignifiante des choses.

Une prière commence comme une une brindille qui prend feu. Un drame à l'intérieur nous fait trembler, ou de colère ou de tristesse, et nous fend dans une rupture silencieuse. Je ne sais quelle colère porte l'homme au creux de sa main, ni si j'ai envie de la connaître. Je crois simplement reconnaître dans ses yeux cette recherche de solidité dans une tempête.

Les mots de la prière sont forcément mal ajustés. Aucune transcendance ne peut décrire l'imperfection de la douleur. On rêve trouver celui des 99 noms de dieu qui collera à notre souffrance, c'est la quête d'une vie. La répétition nous fait entrevoir cette beauté de l'infime variation, et dans la beauté, peut-être une réponse.

Il y a une forme de désespoir à chercher des signes dans le creux de la main d'un inconnu. Un toc enfantin, qui n'a pas été maté par le cynisme. L'écorce s'écorche et on s'acharne à chercher des réponses dans la chair, dans les cieux, dans les mains d'un homme inconnu.

#villemorte