je ne travaille plus et écris le reste du temps

La ville morte / épisode 17 – Michelle Gurevich & la station service

La ville morte / épisode 17 - Michelle Gurevich et la station essence

Le karcher glisse sur les vitres de la voiture, je reste dans l'habitacle. Michelle Gurevich chante en filigrane. Sa silhouette en noir et blanc danse dans les coulées de savon. Son visage se découvre d'une fenêtre à l'autre. Elle a les yeux fermés, elle me chante un secret, entre deux mouvements, à la fois lents et violents.

Sa voix me berce et me dit : c'est ok de ne pas aller bien.

Plus loin, deux gamins courent sur le parking. Sautent, tournent, pas chassés. Le petit est en vert, la grande est en blanc. Ses cheveux longs rebondissent à chaque saut. Elle touche, virevolte, loupe le trottoir, se rattrape. Elle effraie le petit en sautant précipitamment sur lui. Il se fige, au bord des larmes, elle prend sa main une seconde. Elle ne lui sourit pas, elle le regarde, intensément. Il ne dit rien. Le jeu reprend.

Dans le box d'à côté, deux hommes nettoient une voiture. Le vieux engueule le plus jeune. Il tourne autour de la voiture et lui dit “les jantes, tu ne les as pas vu les jantes ?” puis enchaîne avec une phrase en arabe, que je ne comprends pas. Il réajuste son kufi blanc, croise ses mains derrière son dos, et recommence à faire le tour de la voiture. Il arbore une figure sévère qu'on sait attendrie.

C'est lui qui a insisté pour que le jeune vienne avec lui. Il l'a pris par l'épaule après le déjeuner et lui a dit : on va laver la voiture. Le jeune avait sans doute d'autres plans, des amis à voir, un film à regarder. Il a envoyé des textos pour annuler.

Il est à l'âge où il sait, maintenant, que c'est que c'est un autre langage pour dire je t'aime.

#villemorte