La ville morte – épisode 3 / la manifestation
Les slogans résonnent comme des rêves ébruités. Je ne rêve pas. J'ai peur des manifestations dans la ville morte.
Les couleurs des fumigènes, les claquements de mains et la beauté des visages ne compensent plus l'odeur âcre des lacrymogènes. Les tonalités sont vibrantes, je me concentre sur les quelques cartons décorés avec amour.
Cela devrait être le moment de rêver. A la place je guette tous les bruits sortants de l'ordinaire. Des regards furtifs vérifient si les axes sont, ou non, bloqués. Les pétards ressemblent à des grenades.
Quelques slogans, un cortège de tête file. C'est étrange pour la ville morte. Les rues sont si propres, elles n'ont pas l'habitude qu'on leur crie dessus. On est dans la ville de l'ancien ministre de l'intérieur. Les bottes des collègues ont ici une sonorité particulière.
La ville a son histoire sociale. 1848, des crèves la faim qui n'en peuvent plus de crever et décident les flammes plutôt que la mort. Le feu est vorace, ils auront les deux. Les espoirs restent en miettes.
Les confins de la ville morte brûlent aussi, plus tard. Ça ne compte pas tout à fait, ce n'est pas la ville, c'est l'urbain qui s'étale et qui dévie. Pour les remous dans la flaque, on crée des ministères, des projets et des lignes de bus.
Les gens sont peu nombreux, les slogans non accordés. Le feu ne sera pas pour aujourd'hui.