je ne travaille plus et écris le reste du temps

l'amour n'est jamais ironique

fan art de dolly parton et de buffy

Une de mes amies est une fan inconditionnelle de Céline Dion. De ces fans qui prennent des billets des mois en avance, paient une fortune pour un show à l'autre bout de la France et ont des étoiles dans les yeux en se remémorant ce moment. Ces fans qu'on moque ou qu'on traite avec ironie – et qui s'en tapent royalement. C'est toujours quelque chose que j'ai admiré chez elle, et maintenant, je comprends pourquoi.

J'ai investi plusieurs fandoms dans mon enfance puis adolescence — par fandoms j'entends des univers dans lesquels je voulais fermement vivre. Il y a eu en vrac : Harry Potter, Star Wars (je cherche encore des traces de ce forum sur lequel j'étais inscrit) Buffy, Radiohead (4ever) Gus Van Sant (moins maintenant) Marvel (toujours) ... des univers assez masculins quand j'y pense et du coup, beaucoup moins moqués que leurs équivalent pour jeunes filles. Rosen Lev le citait sur instagram : les représentations des intérêts spécifiques (dans son cas, pour les personnes autistes) sont hyper genrées. On valorise plus une passion pour les maths ou les voitures que pour twilight ou one direction (feu).

[*note : même si, dans le cas des personnes autistes, il faut noter que si certains intérêts sont plus valorisés que d'autres, ça n'empêche jamais l'entourage de lever les yeux au ciel en mode “here we go again” quand la personne en question prend la parole en disant “vous savez ce que j'ai découvert à propos de [insert intérêt spécifique here]“. *]

Bref. On attend une forme de détachement par rapport aux choses qu'on aime. Une distance acide du type : je parle d'une chose et je me regarde en parler en même temps et c'est cool. On voit beaucoup ça dans les Marvels depuis une décennie. Le personnage fait des petites blagues ironiques sur lui-même du type : on sait, entre nous c'est un peu ridicule un mec avec des collants (ex : les gardiens de la galaxie, la nouvelle génération de Spiderman ou, hors de la franchise, l'insupportable Kick-Ass) et je déteste cela. Jean Collet en parle dans L'art de voir un film. Il ne pense pas à Marvel, mais son commentaire s'applique parfaitement. Il voit dans l'ironie une défaite du cinéma, qui ne se connecte plus directement aux spectateur.ices (il le dit mieux que moi, mais sans écriture inclusive).

Quand j'entends Spiderman faire des petites remarques sur “sa tenue peu pratique” j'ai envie d'hurler aux producteurs : laissez-nous le premier degré bordel. Laissez-nous aimer des choses au point d'en rêver la nuit. On s'en contrefout que cela soit ridicule, plus de notre âge, trop girly, pas assez intello.

Les films pseudos intellos qui “doivent être pris au second degré” ne m'intéressent plus (oui les Quentin Dupieux on n'en peut plus) parce que derrière ça cache :
1/ du vide
2/ une incapacité à tenter la sincérité dans tout son danger.
Dire qu'on aime quelque chose ça expose. Ça révèle quelque chose de nous. A l'inverse, l'ironie cache. Elle forme un écran qui est censé nous protéger. Mais pour protéger qui ?

Hannah Gadsby dans Nenette expose le fait qu'elle ne fera plus d'humour dépréciatif la concernant. En tant que femme lesbienne autiste de 40 ans, c'est en effet déjà ce que fait le reste de la société. C'est un attendu. Combien de fois j'ai fait des blagues (peu drôles) sur le fait que “oui je sais j'ai des goûts d'adolescents pré-pubères”, parce que je regarde des DC Comics et que je lis de la science fiction (je m'y suis remis depuis peu, spoiler : il y a des choses fantastiques).

Et bien c'est fini. Je suis en train de retapisser ma chambre à base de posters de dessins animés de Miyazaki, j'ai acheté un tee-shirt Star Wars et m'apprête à faire de même avec ce tote bag Sonic Youth que je veux depuis que j'ai 15 ans et que je ne savais même pas que les totebags existaient. Je veux parler pendant des heures des nouveaux films que j'ai vu et qui vivent dans ma tête pendant des jours (vive reddit, et longue vie aux blogs).

Pauline Lewis écrit au détour d'une phrase : “l'amour n'est jamais ironique”. Ça a résonné immédiatement. J'aime toujours un peu trop. Toujours au premier degré. Et je pense que je vais continuer à beaucoup en parler.