Le petit chat est mort
Il y a longtemps, cinquante ans, dans une petite maison bourgeoise, une enfant a récupéré un chat. Sa mère avait mis bas dans la cave, les petits se sont enfuis, sauf un. L'enfant l'a recueilli. L'enfant l'a nourrit. L'enfant lui a parlé comme elle n'a parlé à personne de sa famille. Car dans cette famille elle ne parle pas. Ou plutôt sa bouche s'ouvre et n'en sort aucun son. Mais le chat, lui, ne lève pas les yeux au ciel lorsqu'elle entre dans la pièce. Ne la pousse pas dans la cuisine, la faisant trébucher. Ne dit pas : quelle idiote celle là, dès qu'elle prend une respiration trop intense. Le chat, parfois, lui lèche le bout des doigts et grimpe sur ses genoux.
Alors, avec son argent de poche, elle achète des croquettes et du lait pour le petit chat. Et elle lui parle. Elle l'appelle “monchat”, car elle ne savait pas qu'il fallait lui donner un prénom. Elle ne sait pas que les ami.e.s ont des prénoms, des surnoms, des petits noms doux qu'on est les seuls à connaitre. Alors elle l'appelle “monchat” et finalement ça sonne déjà comme un prénom. C'est son chat. C'est son ami.
Elle part en colonie de vacances en juillet.
Lorsqu'elle revient le chat n'est plus dans la cave. Il n'est plus dans le jardin. Il n'est plus dans la chambre.
La mère dit : le père a amené le chat au marché. Il l'a jeté entre les étals. Il gênait. Et puis elle hausse les épaules.
Et quand l'enfant parle, il n'en sort pas des mots, mais quelque chose d'encore plus léger que l'air et cela leur passe au dessus de la tête. Elle voudrait hurler, mais elle n'a pas encore appris à le faire. La cave est vide, le sac de croquettes est plein. L'enfant ravale un à un tous ses mots.
Plus tard, l'enfant qui n'est plus un enfant, dira :
j'ai du mal à m'attacher aux animaux.
Elle aurait voulu dire :
j'aurais aimé avoir un ami.