Les débuts
Je regrette tous les débuts. Ils défilent dans mon esprit, des mois après la fin. Je me dis : j'ai dérivé à partir de ce moment. J'ai encore pris un détour, ma destination s'est éloignée. Je n'ai pas de destination, pourtant je suis persuadée de perdre mon temps.
Ces débuts sont si douloureux en ce qu'ils révèlent des rêves naïfs et volontaires, dont ni le but ni la réalisation ne me satisfont.
Dans la Conférence des oiseaux, un groupe d'oiseaux cherchent son roi, nommé Simorgh. Leur but est précis : trouver le roi qui le gouvernera. Après de nombreuses épreuves, et pensant terminer leur quête, les oiseaux découvrent la véritable signification du nom qui désigne leur roi : Simorgh veut dire en perse 30 oiseaux. Ce nom désigne donc le groupe de trente oiseaux qui ont parcouru les épreuves de ce récit.
“Vous avez cherché l’Autre en cheminant longtemps/ Vous ne voyez pourtant que vous, rien que vous !” (distique 4277).
Les milliers de noms dont nous désignons nos buts ne nous désignent sans doute que nous-mêmes.
Quand je regrette mes débuts, je regrette tous ces brouillons de moi-même que je refuse d'appeler moi. Leur décalage par rapport à ma nouvelle quête provoque une nostalgie proche du dégoût. Les détails sépia de ces souvenirs ne rendent pas moins regrettables ces errements.
En me lançant violemment dans de nouveaux débuts, j'espère, comme les oiseaux dans leur quête, trouver ce qui me gouverne.