mai – les images et les martyrs
en mai je tombe en amour d'un mirage que j'ai vu des milliers de fois en rêve c'est à dire des images créées de toutes pièces raffinées assemblées et créant un refuge, c'est à dire des images mouvantes sur un écran mental, sur un écran tout court, c'est à dire d'une ville trop grande pour être vue, parfaite pour être imaginée.
les images, elles tapissent mon œil caléidoscope géant, je vois en triple en quadruple ou alors pas du tout, les images je les vole dans les films dans les romans dans les histoires, ça ne me gène pas qu'elles soient fausses au contraire je préfère, c'est plus simple à agencer et ré agencer dans une géographie imaginaire.
Dans mon esprit le lower east side de James Baldwin existe en même temps que celui de Patti Smith. Le Brooklyn de Gondry en même temps que celui de Spike Lee, West side story et les romans de Siri Hustvest. Cela forme un magma d'images et de personnages que j'ai l'impression de croiser dans le sourire gêné d'une infirmière à central park
qui se demande sans doute pourquoi je la fixe sans rien dire.
C'est toujours dangereux d'être amoureux d'une image. Aimer son reflet dans le chrome aimer un bout de soi dans l’œil de l'autre, puis tout figer dans un autel de plâtre et de couleurs. Ça m'arrive tout le temps, ma seule consolation c'est d'accepter gracieusement la déception.
Dans do the right thing spike lee nous dit de croire aux images à condition de les regarder vraiment, dans la pizzéria il y a sur le mur des photos et les photos disent quelque chose qu'on a le droit d'ignorer, mais elles disent quelque chose elle disent l'amérique blanche, elles disent l'amérique noir, elles disent le reste un peu aussi. moi je sais pas regarder je vois que ce qui m'intéresse et jamais à la véritable mécanique, c'est l'erreur dit spike lee, il ne faut pas écouter les histoires il faut regarder les images pour ce qu'elles sont : des portraits, donc des démonstrations de pouvoir.
je ferme les yeux je vois les portraits dans les rues de jenine dans les rues de naplouse dans les rues de ramallah je vois les visages des martyrs et je pense : est-ce qu'on porte ces images comme des portraits donc des démonstrations de pouvoir ? est-ce qu'on les brandit pour rétablir quelque chose ? et quoi ?
Dans do the right thing, il y a un martyr qui ne ressemble par à un martyr, trop imposant pas assez jeune, déjà on oublie son nom, pas l'émeute, pas le feu pas la peur, dans le cinéma je pleure car je me souviens de tout alors que j'avais oublié le nom des martyrs.
devant le mur des fédérés dans une autre ville imaginaire
je décide que les martyrs sont en vie juste amoureux d'une cause plus juste et plus belle que le réel
donc une image c'est à dire un refuge
-les seules que je comprends-
et je marche je marche dans la ville en quête de leur amour.