parfois, il me semble encore rêver
Je veux absorber le film, je veux absorber la fumée, je veux absorber l'écran. Je veux être le théâtre de la Huchette qui joue la cantatrice chauve depuis 60 ans. Toujours le même texte dit de bouche en bouche, toujours identique, jamais le même. Et je me dis : je veux me perdre dans les images, celles qui bougent mais pourtant sont figées. Celles qui ne disent rien de plus que ce qu'on sait déjà, au fond de soi, mais qu'on n'a jamais énoncé.
Et alors, alors, je réalise que c'est aux morts que je parle et plus aux vivants. Cela demande beaucoup d'efforts, de revenir avec les vivants, leur parler les regarder se mouvoir, à chaque fois dans la mauvaise direction, celle contre le vent, celle contre le coeur, celle qui est difficile et pentue. Les décors se prolongent au-delà du plateau, au delà de l'horizon, et quand je ferme les yeux, l'univers continue d'exister, car si c'est une simulation, si c'est un film, on est trop nombreux à la rêver. Et je me demande si les morts continuent de rêver et s'ils servent à ça : rêver, car nous on n'a plus le temps, et on n'a pas notre place dans le monde des rêves.
Peut-être que parfois, je veux être dans le film comme je veux mourir, pour rêver.