Un nouveau carnet
Demain, j'irai acheter un nouveau carnet. Simple, sans ligne, pages blanches. Elles ne m'ont jamais effrayé, pas de symptômes, pas de paralysie. Les lignes m'irritent, j'écris mal, n'arrive pas à les suivre dans une calligraphie régulière et élégante. Les lettres sortent un peu différentes à chaque fois et dans des formats irréguliers.
J'admire les bullet journals, les journaux intimes bien tenus et les calendriers faits mains. Mes carnets sont sobres, par manque de talent principalement. Bien incapable d'avoir une organisation quelconque, de tracer joliment les limites des jours, on trouve dans les carnets quelques dessins, quelques photos et puis des ébauches de récits.
C'est toujours étrange et frustrant de relire ces carnets. Souvent j'ai oublié. Je ne sais plus ce qu'est ce poème, ces quelques lignes. Je peux simplement dire binairement : j'allais bien, pas là. Je vois tous ces débuts qui me donnent le vertige, toutes ces tentatives qui crèvent dans des carnets empilés en haut d'une étagère. Il faudrait clôturer, dire on va rester là-dessus, c'est bien, ça suffit. Je ne clôture pas. Je trace des lignes en pointillés en me disant : plus tard, plus tard. Comme un reste d'adolescence où l'on se dit : demain, demain.
Le lendemain j'ai oublié. J'ai vu une autre histoire. Entendu un autre cri. Et je laisse ces notes de carnet, inachevées.