je ne travaille plus et écris le reste du temps

Ya habibi [17/100]

Le vendeur du kebab répète :
Wahad minute habibi wahad minute
Le groupe attend, cheveux sombre main dans les poches. A côté, des petits récupèrent un morceau de shit bien emballé sous la terrasse. Ils nous laissent la place un pour nous asseoir.

J'ai l'impression que la radio passe Fairuz et qu'on va tous se mettre à chanter ya habibi ai hal anta fi

A la place le vendeur dit de nouveau
Wahad minute habibi wahad minute
Une minute mon chéri une minute

Pendant une minute j'ai peur que l'autre s'énerve de ce mot, qui n'est qu'un mot, mais qui a été tant de fois glissé à l'oreille dans un bar peu éclairé, sur un oreiller, ou dans une poignée de main trop longue. Ce sont les mots les plus tendres qui provoquent les réactions les plus violentes. Je pense à toutes celles et ceux qui ont payé si cher des choses plus anodines que cela. Je pense à Sarah Hegazi. Toujours.

Mais l'autre sourit et lui répond que tout va bien.
Dans le fond j'entends le choeur derrière Fairuz :

ya habibi tu as donné ta vie mon amour
quelle honte tu as porté
quelles blessures t'ont-ils infligé.e
aucun remède n'a été trouvé quand
dans le champ tu priais
et le monde priait avec toi.