Les notes du laptop, par NEKO

Je me suis évadée

JOURNAL
25 janvier 2023

Voilà, j'ai démissionné, c'est fait, c'est fini.
Comme un poids qu'on aurait ôté de mon dos. Je devenais bossue. Je vais pouvoir me redresser et regarder le ciel, le sommet des arbres.
Du côté de l'argent nous avons très peu de besoins, les livres, des vêtements un peu, la nourriture et les factures, des choses comme ça et A gagne assez pour nous deux dans ce cas.

Alors comment ça s'est passé ?

Mon boss hollandais a cru d'abord que je voulais être mieux payée etc. il était ok pour m'augmenter, difficile de lui faire comprendre que la vie qu'il me faisait mener me plaisait pas, alors il met tout ça sur le compte du caprice de l'enfant gâtée par une famille complaisante, tu parles, et parce que les Japonaises sont difficiles à comprendre parfois et il est furieux naturellement, je lui complique sa vie je sème le bordel dans les projets, etc.
Les Japonais ne comprennent pas non plus, quitter un super boulot, refuser des responsabilités croissantes, se moquer des compliments… tout ça les dépasse, c'est anti-social. Ils sont persuadés que c'est à cause d'une secte, en même temps les sectes ont pas la cote en ce moment, en même temps on n’ose trop rien dire, j'explique que ma vie c'est pas le métro etc. ils ne comprennent pas, ils font semblant, ils font les Japonais, eeee eee nnnn nnnn mmm mmmm mais ils comprennent pas.
Évidemment eux aussi sont furieux, mais ils le disent pas, ils sont emmerdés, les Japonais n’aiment pas ce qui sort des rails, ce qui bouscule le plan, ils sont furieux de perdre une sale gamine, une emmerdeuse, une râleuse oui, mais qui parle 3 langues pour le prix d'une. Leur plan avec les Belges ça va être compliqué, ça va leur coûter des yens…
Un qui est content, il me l'a dit en douce, c'est le nouveau traducteur d'anglais, du coup il va passer à un temps complet, il est augmenté, il va pouvoir se marier ! Ah Ah Ah !

Aux yeux de tout le monde je passe d'un côté pour une fille de famille riche et capricieuse qui n'a pas besoin de travailler, de l'autre pour une dingue illuminée par une secte de retour à la nature et aux petits oiseaux, bon, ça va, je m'en tape.

Mon frère non plus n'est pas trop content, il sent que je vais m'échapper encore un coup pour aller personne ne sait où même pas moi, je crois qu’il craint que je ne sois dingue aussi, en douce il essaye de se renseigner avec A, je ne sais pas si elle arrive à le rassurer vraiment. Je ne sais pas ce que pense ma belle-sœur aînée, on doit se voir dans le week-end (28 ou 29 janvier)…

Va faire comprendre à tous ces gens inscrit dans un ordre social ou un emploi et encore mieux des responsabilités c'est réussir sa vie que j'étais bien plus heureuse quand je ramassais les olives ou quand je faisais aide-bûcheron en France, parce que le truc principal c'est que ma vie est dans la nature, pas dans les villes à métro, dans les journées de train ?
Va faire comprendre que je préfère le chant des arbres et le murmure des pierres aux bavardages des réunions de travail qui n'en finissent pas et qui se terminent en nomikai.
Que je préfère le vent sur ma peau, entre mes cuisses, à porter des collants sous la jupe parce que c'est la tenue professionnelle obligatoire, encore j'ai réussi à éviter les talons hauts parce que heureusement le milieu des éditions manga c'est moins strict.
Mais ils ne se rendent pas compte que regarder le ciel une fois dans l'année pour hanabi ou pour hanami c'est pas assez pour dire on vit, que la vie sans beauté sans poésie c'est la marche à la mort la tête dans un sac, moi je veux marcher à la mort les yeux ouverts, les poumons libres de se remplir de l'air vivant du monde, pas de l'air conditionné, filtré emprisonné comme l'air du Fujisan vendu en boîte !
Que vivre en colère de frustration jusqu’à ne pas dormir la nuit, c'est pas ça du tout vivre, merde merde merde.

Je suis libre, une nouvelle fois, je me suis évadée une nouvelle fois, et d'une prison que j'avais moi-même accepté de me construire autour, que je n’ai pas vu s'élever parce qu’elle est montée par petits morceaux, brique par brique, sans bruit.

Alors ne vous faites pas de souci pour moi, la liberté c'est mon oxygène je ne peux pas vivre longtemps sans, comme un poisson sorti de l'eau je finis par étouffer. Voilà, je respire à nouveau librement, je peux courir sauter sans m’essouffler, aimer complètement la femme qui m'accepte comme je suis, que j'aime et je remercie infiniment pour la patience et l'amour qu’elle me donne.