Retour sur de précédents chapitres (suite et fin)
01/11/2022
J’ai été livrée dans cette secte, comme un colis, à la fin de l’été, je venais d’avoir 16 ans. Pour le voyage on m’avait bourrée de tranquillisants au point de me rendre malade, j’ai eu des nausées pendant des jours, on nous nourrissait déjà si peu, j’ai commencé à maigrir.
Je me suis évadée une première fois au printemps, je pensais trouver de l’aide au village voisin, erreur, ils collaboraient avec la secte, je ne raconte pas à nouveau ma capture et la punition publique qui a suivi.
Un peu après, je n’avais pas encore 17 ans, on est venu me chercher, 3h de route, pour tourner la 2e vidéo. Au retour pas question de faire la chochotte, on m’a remise au travail forcé dès le lendemain. Je me suis évadée pour la 2e fois à l’automne, la punition a été bien pire, après quoi on m’a laissée mourir toute nue, attachée à une espèce de potence une nuit entière dans un froid glacial. On voulait ma mort bel et bien, mais j’ai vécu. Ils auraient pu m’achever sans l’aide inattendue de la mère du guru, une vieille shamane qui a décidé que je devais vivre et m’a soignée. Après ça on m’a laissée un peu plus tranquille, sauf qu’au printemps à nouveau on est venu me chercher pour la 3e vidéo…
J’ai eu 18 ans cet été là, puis, à la fin de l’automne j’ai profité d’une erreur et je me suis à nouveau évadée, cette fois était la bonne.
Et mon père, là-dedans ?
Il m’a envoyée dans le Hokkaidô, aussi loin de Tôkyô que possible, officiellement folle pour me soigner. En réalité il voulait un aller sans retour. Et c’était clairement dit au chef de la secte, la correspondance en témoigne. Lors de ma 2e punition il était d’accord pour me laisser mourir, officiellement j’aurais été victime d’un arrêt cardiaque pendant une promenade imprudente seule, loin du camp, le guru étant médecin aucun problème pour l’avis de décès. Mon propre père non seulement d’accord pour me laisser mourir mais le demandant clairement. Sans la vieille femme dont je ne comprenais pas le dialecte, ils m’auraient achevée !
Mon père voulait se débarrasser de moi comme d’une succursale en déficit, je n’avais plus aucune valeur marchande et il n’avait jamais eu le moindre sentiment pour moi tellement il méprisait les femmes et les filles encore plus, n’ayant pour seule considération que leur valeur reproductive. Il était le plus parfait représentant du système patriarcal, jusqu’à la caricature…
Ma troisième évasion, réussie, lui a posé un gros problème, mon témoignage a causé la fermeture et la dissolution de la secte, je ne sais pas ce qu’est devenu le guru, il a réussi à s’en sortir grâce, je crois, à ses relations politiques, mon père s’est vu contraint de négocier avec sa fille pour éviter un scandale très mauvais pour les affaires, il s’en est d’ailleurs très bien tiré, il était un très habile négociateur, moi j’étais dans un tel état à la sortie de l’hôpital j’aurais signé n’importe quoi pour qu’on me fiche la paix et qu’on me laisse vivre libre, c’est ce qui m’a été proposé, j’ai accepté et j’ai signé pratiquement sans lire, de toute façon je ne comprenais rien, j’ai fait confiance au juge arbitre, je n’ai pas eu tort après tout. La majorité à cette époque était à 20 ans au Japon, j’en avais pas tout à fait 19 et on me la donnait par avance, j’étais libérée légalement de l’autorité familiale tu parles si j’ai sauté sur l’occasion.
La suite c’est Nara, puis j’ai à nouveau été soumise aux décisions paternelles pour « rupture de contrat » et je me suis retrouvée en France, comme je l’ai déjà raconté.
Comment un père en arrive-t-il à souhaiter la mort de sa fille, au Japon, au 21e siècle ? C’était un homme du Moyen Âge, fasciste en politique et tyran dans la vie privée, personne n’avait le droit d’aller contre ses volontés, ni mes frères aînés ni maman de son vivant. Cette petite fille grandissant loin de lui et devenant rebelle a concentré toute sa haine des femmes, tout son mépris pour la féminité, son rejet de ce qui lui semblait tendresse, douceur et faiblesse physique. Mes frères ont été élevés dans un virilisme forcé et hyper valorisé, ils ont du mal aujourd’hui à en sortir bien qu’ayant pris conscience de la manipulation par la découverte de mon histoire.
Je sais aussi que mon père, veuf, s’est toujours payé des filles prostituées très jeunes, même des collégiennes de mon âge, quand à Nara il me traitait de petite putain il avait des références…
Tout ça est allé très loin, trop loin, et la vérité se retourne contre le responsable dont la mémoire ne sera pas honorée.
Et mon prénom, choisi par un moine, s’écrit « vérité sincère »…