Les notes du laptop, par NEKO

JOURNAL DU LAPTOP
Juillet 2022
J'ai essayé de rester pudique autant que le sujet me le permet, ce texte ne veut surtout pas être provocant ni érotique, malgré l'avertissement en titre.

Quand je suis sortie de l'hôpital de Sapporo, bourrée de médicaments, j'étais comme morte à l'intérieur. Je ne ressentais plus rien, le monde autour de moi était emballé dans du coton.
Insupportable.
Alors j'ai cessé les médicaments, et forcément la souffrance est revenue et les cauchemars sont arrivés aussi, j'étais encore amaigrie, mon corps me dégoûtait… J'ai compris que j'avais à choisir entre vivre douloureusement ou devenir zombie. J'ai pensé que, avec le temps, si j'affrontais la souffrance, peut-être que je m'habituerai,  alors j'ai jeté les médocs.
J'ai déjà raconté ici et là comment, grâce à ma petite amie de Nara, le travail de modèle et mes amis C et G j'ai recommencé à habiter mon corps, cessé de le mépriser et le regarder comme l'objet qu'en avaient fait ces salauds. Ça a été la première étape.

Ensuite j'étais encore bourrée de phobies terribles, je ne supportais absolument aucun contact agressif, le simple fait de me tenir le poignet me faisait perdre tout contrôle, arrivée à Paris en 2019, ça m'a valu 2 gardes à vue extrêmement pénibles mais aussi ma rencontre avec A, j'ai déjà raconté ça.

On m'a conseillé des tas de thérapies, la prière, mais j'avais eu mon compte de secte, des tisanes ou des pierres magiques, tout un fourbi.

Aujourd'hui ou j'écris, dans la 3e semaine du 7e mois, en seiza devant mon laptop posé sur le kotatsu, dans ma maison, héritée de ma grand-mère maternelle, je peux enfin écrire « Voilà, c'est fait, avec l'aide tendre et patiente de la femme que j'ai choisie et qui m'a choisie, j'ai vaincu totalement cette peur affreuse d'être entravée ».
Il aura fallu 3 ans de la patience et de l'amour de A et la confiance totale que j'ai placée dans cet amour pour venir à bout de mon démon.
Alors comment ?
Puisque mon problème se manifeste par mon corps, alors c'est au corps qu'on va s'adresser. Bien sûr le traumatisme est psychologique, mais ce corps rétif, cette chair qui se hérisse, il faut l'apprivoiser.
Je suis hypersensible, je peux arriver à l'orgasme par la seule caresse de mes seins, mais pas par la pénétration, ça me glace et ce n'est même pas la peine d'en parler. Sur ces bases A a commencé à explorer tendrement les possibilités amoureuses de ce petit corps par ailleurs, c'est vrai, gourmand.
Mes seins, mon clitoris ont été convaincus dès la première fois, par bonheur ils ont suffi un long moment. Petit à petit A m'a amenée à me détendre, à baisser ma garde, à lui abandonner tout mon corps sans réserve. Mon anus s'est laissé apprivoiser le premier. Jamais je n'aurais pensé que ce soit un jour possible. Au début étranges puis rigolotes, ces caresses sont devenues sources de plaisir.
Comme je devenais de plus en plus capable d'abandon, nos jeux ont pris ce tour : je fais semblant d'être dans l'impossibilité d'utiliser mes mains tandis que A me caresse, au début je ne pouvais pas, puis, avec le temps, j'ai réussi à me détendre complètement.
Tout ça a pris du temps, notre vie à été en désordre, nous avons été séparées longtemps, et ma «  thérapie » a connu de longues interruptions.

Je ne supportais toujours aucune contrainte matérielle, je ne porte même pas de montre.
À noël 2021, j'ai offert ce cadeau à A : J'ai réussi à nouer moi-même un fil autour de mon poignet. Je le porte toujours, ça peut paraître dérisoire, mais ça a été une extraordinaire victoire sur moi-même.
Nous voici enfin installées, vivant ensemble à Ichikawa, et nous avons mis beaucoup d'énergie à compenser le temps perdu…

Un soir, allongée sur le dos sur le tatami de la piece du haut, A a doucement fait descendre ma culotte, cette nuit sous les rafales de vent chargées d'une pluie lourde et bruyante sur les tuiles au dessus de nous, doucement, comme pour ne pas effaroucher un oiseau blessé, elle s'en est servie pour me lier les poignets au dessus de ma tête, j'étais prête, mon coeur battait si fort, couvrant le tintamarre, mais je n'ai pas bougé, doucement dans l'obscurité, sa langue a effleuré les pointes de mes seins, tout de suite excitées à hurler, doucement elle a écarté mes jambes…
Je n'insiste pas, j'ai eu cette nuit plusieurs orgasmes comme jamais, j'ai senti me quitter les fantômes qui me hantaient depuis l'adolescence et les premiers abus, j'ai connu une paix que je ne savais pas exister, oh comme je me suis blottie dans ses bras, oh comme j'ai remercié les dieux. Oh comme je souhaite vivre indéfiniment à ses côtés…

Je ne pense pas avoir expulsé la totalité de mes démons, il doit en rester dans certains recoins obscurs, mais je suis tellement fière d'être libérée de certains si handicapants que je ne pouvais pas ne pas en faire part. Il m'aura fallu presque 10 ans pour arriver à ce point ou enfin je peux dire que les ravages causés par des traitements dégradants ont presque cessé d'empoisonner ma vie au quotidien.