UNE MISSION
9 mai 2023
Alors je m’en doutais, mon sensei avait bien une idée.
Il me demande si je veux bien enseigner ma façon de me calmer en me fondant avec ma lame à une jeune fille, une adolescente je crois, qui est devenue violente après une agression. Ça se passerait au dojo de mon frère, je serais payée, c'est une famille comme la mienne, ancienne, puissante etc.
J'ai demandé à réfléchir, mais sérieusement puis-je refuser ?
En même temps voilà que je doute de moi terriblement… si je ne suis pas capable ?
Bon, alors je vais accepter d'accompagner cette jeune femme dans son chemin pour se réparer
Je ferai ce que je peux avec ce que je sais faire et ce que j’ai appris à communiquer en recevant moi-même de mon sensei. Je sais que je ne serai pas laissée toute seule à me débrouiller. On me fait confiance, j'espère être à la hauteur.
10 mai 2023
Je vais rencontrer les parents de la jeune femme. Je ne veux pas jouer la comédie, donc c'est minijupe et sweat féministe Me too. Si ça ne leur plaît pas, on n’est pas faits pour cohabiter et c'est tout. On ne peut pas partir pour un truc aussi grave avec des bases fausses et menteuses.
Donc j'arrive à azabu, les amis c'est le quartier de la très haute, je crois le plus chic et cher de tôkyô...
On n’est pas dans le prolétaire ici je vous garantis...
Je m’en fous, normalement j'aurais dû être présentée à l'impératrice si je n'avais pas été une gouine folle et pute, rien m'impressionne plus.
11 mai 2023
Bon, alors ça va, on va travailler ensemble pour que leur fille se sente mieux, à MA façon, j’aurais pu arriver avec la culotte sur la tête, ils ont tellement confiance dans mon sensei, puisque c’est lui qui m'a choisie il ne peut pas y avoir quelqu’un de mieux qualifiée, ils pensent.
On verra bien j’ai répondu mais je ferai tout pour arriver à ce qu’elle aille mieux dans sa tête, j'ai promis, je me suis engagée c’est pas de la rigolade
On se rencontre elle et moi demain après midi au dojo.
12 mai 2023
Je suis en route pour le dojo avec mon équipement, on a rendez-vous dans 1h mais j'ai besoin me mettre dans l'ambiance.
J'ai le trac dingo, mais je sais bien que ça va disparaître quand je serai en tenue, après j'improvise.
Première rencontre avec K.
On va dire « K », plein de prénoms féminins commencent par un K.
Je suis arrivée au dojo ½ heure en avance, le temps de me mettre en tenue, hakama et haori avec un T-shirt blanc.
Puis K est arrivée, oh là là qu’elle est jolie, un peu plus grande que moi et elle a juste 15 ans, et très aristocrate mais j’ai vu tout de suite son regard d’animal coincé qui ne sait pas par où s’échapper. Je connais
Alors je lui ai demandé si elle savait bien ce qu’on allait faire et si elle était d’accord (je résume)
— Oui
Elle ne fait pas de grandes phrases
— Tu me fais confiance ?
— Je te connais pas
Bonne réponse.
— Moi non plus alors on va faire connaissance. On m’a dit que tu es tellement violente que tu n’as plus de partenaires ?
— C’est vrai.
— Alors montre-moi ta violence.
Elle est un peu surprise
— Mais on n’est pas équipées ?
— Dans mon école on porte pas de protections (j’ai le droit de le dire), c’est sérieux le kenjutsu, c’est pas pour faire joli, alors oui, on se met en danger. Tu peux porter des kote si tu veux pour protéger tes mains mais c’est tout.
Elle réfléchit un peu puis me dit : c’est OK comme ça.
Je lui précise si tu es vraiment très violente je serai peut-être obligée d’être un peu brutale, ça ira ?
— Oui
Et on y va.
Au début c’est assez cool on travaille les kata puis elle s’énerve, je vois qu’elle ne peut pas empêcher une colère qui la domine et oui, elle est très violente. Elle a un bon niveau mais sa colère lui brouille la technique, ses attaques sont en désordre, n’empêche elle a une énergie dingue, plusieurs fois je suis obligée de parer brutalement effectivement, ça la déroute un peu de se faire bousculer au point de perdre l’équilibre…
On est en sueur, les visages rouges, plusieurs personnes ont arrêté leurs entraînements pour regarder cette furie.
— Mais tu n’attaques pas, jamais ?
— Pourquoi je t’attaquerais ?
Ça l’a arrêtée net, puis j’ai vu ses épaules se relâcher, elle avait les yeux brillants mais les larmes ne sont pas sorties, elle est comme moi j’étais, elle ne peut plus pleurer.
— Je te demande pardon
— Tu n’as pas à me demander pardon, c’est moi qui t’ai demandé de me montrer comment tu étais violente.
Silence puis
— Tu veux bien m’aider alors ?
— Je suis ici pour ça
— Je te fais confiance, je te remercie
J’ai regardé l’heure, on avait combattu sans arrêter pendant plus de 30 minutes, mes oreilles bourdonnaient du claquement des bokken et de nos cris, je me suis rendu compte qu’on était épuisées toutes les deux, on est allées à la douche, on a bu un thé ensemble en se racontant un peu, je ne dirai pas les choses intimes qu’on a échangées, sa vie n’appartient qu’à elle, c’est à elle de raconter. Elle m’a autorisé à écrire ça un peu ici, ce que tout le monde peut voir au dojo, en fait.
Il y a des choses que je ne dirai pas parce que ça la concerne trop personnellement, et des choses que je n’ai pas droit de dire si c’est de l’enseignement de mon sensei.
On se revoit dimanche, ensuite on fixera un emploi du temps le mieux c’est se rencontrer deux fois la semaine pour commencer, ensuite si on arrive à des résultats on espacera.
Voilà.
À suivre.
14 mai 2023
Avec K. ça marche, elle est de si bonne volonté ! On a travaillé les kata avec une vraie lame, à la manière de mon école, donc au ralenti, lentement lentement en décomposant le mouvement, là on voit bien les tensions, et oh là là elle en a des tensions, mais on est obligé s'oublier soi-même et alors elle a senti ça et à la fin – on s'embrasse pas beaucoup au Japon – j'ai eu un bisou.
Et ça ma rendue heureuse vous pouvez pas imaginer.
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