Zone d'Écriture Temporaire

Banlieue

Les rues n’ont pas d’ombre, parfois le trottoir disparait. On alterne de vieux pavillons avec des tout modernes, un futur emplacement encore cultivé de maïs et une friche avec panneau publicitaire planté sur le bord. Le flot de voiture est continu à cette heure-ci (17h), chaque conducteur est seul dans son véhicule.

L’espace. Les maisons sont grandes ainsi que les jardins qui les entourent. On pourrait y vivre à plus de 10. Les jardins sont globalement bien entretenus mais manque d’ombre (d’arbres) pour un pays de soleil.

La maison est le point focus. Tout est organisé pour que le regard converge vers elle depuis le portail ou à travers quelques ouvertures dans la cloture. C’est tellement kitch, la nature semble tellement maîtrisée qu’on a du mal à imaginer la vie qu’il peut y avoir dans ces espaces.

Dans les quartiers pauvres, les gens sont dehors. On bricole la voiture devant l’immeuble, on prend l’apéro sur le trottoir, les enfants font des tours de vélo. Il y a de la vie dehors parce que chez soi c’est trop petit, ça n’a pas tout le confort.

Les riches ont de l’espace mais ne l’habitent pas. Il sert à se protéger du reste du monde tout en mettant en scène les signes de la réussite sociale.

J’ai vécu dans presque tous ces espaces et bien d’autres au court de ma vie.
Dans l’appartement parisien de mes parents rempli d’amis dans un quartier populaire, dans une résidence pour cadre où les adultes s’ennuyaient mais où les enfants pouvaient jouer sans croiser de voiture avec ses haies piquantes et môches, à Bruxelles dans une chambre avec juste un lavabo et les toilettes collectives sur le palier, à Berlin dans l’appartement de l’immeuble presque communautaire de Wolfgang, dans une caserne militaire, dans le Wagenbourg d’Alfredo, dans un appartement Hausmanien d’un quartier bobo du centre de Paris, dans une barre d’immeuble au 17° et dernier étage chez ma mère avec la ville qui se s’arrête jamais à ses pieds, dans un petit pavillon de banlieue communiste avec un micro jardin et l’autoroute pas loin, dans une maison de maître avec sa tour du 15° siècle…

J’ai eu tous les rêves d’habitations selon mes âges mais pas forcément dans l’ordre (la chambre de bonne est arrivée quand je n’étais plus étudiant), selon mon niveau social mais, là aussi, souvent en décalage (au moment où j’ai le moins d’argent, j’ai la maison la plus fastueuse).

Je finirai peut-être dans une maison perdue dans la forêt ou dans un studio en ville. L’espace ne sert qu’à être partagé ou alors me semble trop encombrant. De toute façon mon salon d’écriture a toujours été le café. Comme si le contraste entre l’environnement étranger et bruyant permettait d’être plus concentré et d’aller plus en profondeur en soi.