Zone d'Écriture Temporaire

Mémoire, musique & vie

J’ai souvent l’impression de ne pas avoir de mémoire. Déjà, n’étant pas rancunier, je n’arrive jamais à me souvenir de la manière dont un conflit a pu se créer. Je me souviens juste de l’atmosphère, et, si une nouvelle fois un conflit identique apparait, j’en ressens la similarité, je n’arrive pas alors à me rappeler suffisamment de détails pour pouvoir comparer et argumenter. Je « sais » juste que c’est proche de la dernière fois, que ça se construit de la même manière mais je ne peux en dire davantage.

Du coup, faire des photos quotidiennement est assez important. Lorsque je dois revisiter mes archives, j’arrive à faire revenir les atmosphères mais toujours pas les détails. C’est sans doute pour cela que je vais de plus en plus vers le noir et blanc qui pour moi ne s’intéresse qu’aux structures de l’image. Sans couleur, on réduit les détails. De même qu’une image floue n’est pas pour me déplaire. Il arrive parfois que les aplats, les textures de grains (ou de bruit numérique) soient plus beaux que le sujet de l’image.

C’est aussi pour cela que j’aime faire des photos de concerts. Je m’y retrouve enveloppé de musique, je dois me mettre au diapason et traduire des sons en images. On ne retrouvera jamais dans une image le thème du morceau de musique photographié, juste une atmosphère.

On lit parfois que traduire, c’est trahir. Mais à l’invers, on pourrait dire que traduire, c’est (re)créer. L’idée de trahison dans ce cas là est proche de l’idée de pureté. Ça peut être intéressant pour faire réfléchir le cerveau comme on ferait du sport pour le corps mais c’est une pensée inutile pour vivre. Ce genre de pensée débouche sur les idées d’incompréhension, d’incommunicabilité, de faussé entre les cultures et les individus. C’est une forme de fractionnement, d’individualisme extrême qui mène à la méfiance, au relativisme ou au sectarisme. À l’invers, l’idée de (re)création ouvre sur les possibles, les variantes. Elle introduit de la subjectivité assumée, un monde en mouvement que l’on a envie de partager. Elle refuse d’enfermer les représentation et la pensée dans quelque chose d’immuable, elle en fait quelque chose de fluide. Le roc de ma montagne fini par se fissurer et la montagne disparait tandis que l’eau continue son cycle, se transformant plusieurs fois en donnant naissance à de multiples formes de vies lors de son voyage.