Affinités révolutionnaires (Olivier Besancenot et Michael Löwy)
Affinités révolutionnaires – Nos étoiles rouges et noires est un essai politique co-écrit par Olivier Besancenot et Michael Löwy et publié en 2014 aux Editions Mille et une Nuits (Fayard). J’en ai entendu parler dans un autre essai lu récemment, j’avais été séduit par une citation de cet ouvrage et le résumé consulté par ailleurs m’a convaincu :
L’histoire du mouvement ouvrier raconte en détail les désaccords, les conflits et les affrontements entre marxistes et anarchistes, jamais les véritables alliances et des solidarités agissantes entre ces deux mouvements.
Olivier Besancenot et Michael Löwy ont choisi d’éclairer ce versant ignoré, souvent délibérément, qui révèle la fraternité de leurs combats depuis la Commune de Paris jusqu’à nos jours – sans toutefois omettre leurs sanglants affrontements. Solidarités, convergences, et oppositions politiques sont passées au tamis de l’histoire par le portrait de grandes figures (Louise Michel, le Sous-commandant Marcos, Walter Benjamin, André Breton, Daniel Guérin) et la discussion autour des sujets qui divisent (la « prise du pouvoir », l’écosocialisme, la planification, le fédéralisme, la démocratie directe, le rapport syndicat/parti).
À l’occasion du 150e anniversaire de la fondation de la Première Internationale – cette Association révolutionnaire pluraliste qui a connu, au moins pendant ses premières années, des convergences significatives entre les deux courants de la gauche radicale –, l’objectif est de montrer que l’avenir sera rouge et noir : l’anti-capitalisme, le socialisme ou le communisme du XXIe siècle devront puiser à ces deux sources de radicalité.
Oscillant moi-même entre marxisme et anarchisme, sans savoir jamais où me situer entre ces deux courants mi-frères mi-antagonistes, j’étais intéressé par le projet affiché par ce livre.
Les deux co-auteurs déclinent leur propos en 4 grandes parties dont voici un bref aperçu :
Convergences solidaires
– La Ière Internationale et la Commune de Paris
– Le 1er Mai et les martyrs de de Chicago
– Le syndicalisme révolutionnaire et la charte d'Amiens
– La révolution espagnole
– Mai 68
– De l'altermondialisme aux Indignés
– Quelques portraits
Convergences et conflits
– La révolution russe
– Retour sur la tragédie de Kronstadt
– Makhno : rouges et noirs en Ukraine
Quelques penseurs marxistes libertaires
– Walter Benjamin
– André Breton
– Daniel Guérin
Questions politiques
– Individu et collectif
– Faire la révolution sans prendre le pouvoir ?
– Autonomie et fédéralisme
– Planification démocratique et autogestion
– Démocratie directe et démocratie représentative
– Syndicat et parti
– Ecosocialisme et écologie libertaire
Les deux auteurs commencent par repartir des convergences, réelles, et des divergences, souvent tragiques, entre les “rouges” et les “noirs” depuis le XIXe siècle puis entrent dans le fond des débats, en se positionnant chaque fois clairement. Tout au long du livre, il appellent à un dépassement des désaccords passés et présents pour construire de nouvelles solidarités idéologiques et militantes entre les “frères ennemis” du mouvement révolutionnaire.
Le texte est clair, engagé et plaisant à lire. Je me suis reconnu dans plusieurs propos tenus par les deux co-auteurs, tout en m’en démarquant à plusieurs reprises. C’est toujours intéressant de toute façon, et je serais bien malheureux de lire un essai qui me dise ce que je pense déjà sans enrichir ma propre réflexion.
Si je devais émettre un bémol, c’est sur le choix des points de vue proposés dans cet ouvrage. Les deux auteurs se revendiquent marxistes, ce n'est pas un problème en soi car nous savons d'où ils parlent, ils ne s'en cachent pas : le lecteur connait leur « point de vue » (au sens propre et figuré). Par contre, je ne peux pas m'empêcher de penser que le projet du livre aurait été mieux servi par un dialogue entre un marxiste et un libertaire, pour confronter deux visions et enrichir la réflexion de chacun. Ainsi, la quatrième partie éclairant les débats entre marxistes et libertaires aurait gagné à confronter (pacifiquement et intellectuellement) les arguments marxistes et libertaires, y compris pour constater parfois des accords sincères ou de profonds désaccords. A la place, nous avons finalement une unique point de vue, ou deux très proches, clairement d’inspiration trotskiste. Le lecteur est prévenu, il n’est pas pris en traitre et ne peut pas vraiment s’en plaindre, mais je me dis que l’éditeur est peut-être passé à côté d’une occasion de faire dialoguer deux points de vue un peu plus éloignés.
La conclusion est un appel à se réapproprier ou à réinventer un marxisme libertaire à travers des luttes communes et une société à imaginer et à construire ensemble. Je ne peux évidemment qu’y souscrire.
Zéro Janvier – @zerojanvier@diaspodon.fr