Capitalisme, désir et servitude (Frédéric Lordon)
Dans cet essai de 2010 où il mobilise philosophie, sociologie, économie et politique, Frédéric Lordon s'appuie sur les pensées de Marx et Spinoza pour tenter de répondre à cette question centrale :
Comment un certain désir s'y prend-il pour impliquer des puissances tierces dans ses entreprises ? C'est le problème de ce qu'on appellera en toute généralité le patronat, conçu comme un rapport social d'enrôlement.
Marx a presque tout dit des structures sociales de la forme capitaliste du patronat et de l'enrôlement salarial. Moins de la diversité des régimes d'affects qui pouvaient s'y couler. Car le capital a fait du chemin depuis les affects tristes de la coercition brute. Et le voilà maintenant qui voudrait des salariés contents, c'est-à-dire qui désireraient conformément à son désir à lui. Pour mieux convertir en travail la force de travail il s'en prend donc désormais aux désirs et aux affects.
L'enrôlement des puissances salariales entre dans un nouveau régime et le capitalisme expérimente un nouvel art de faire marcher les salariés. Compléter le structuralisme marxien des rapports par une anthropologie spinoziste de la puissance et des passions offre alors l'occasion de reprendre à nouveaux frais les notions d'aliénation, d'exploitation et de domination que le capitalisme voudrait dissoudre dans les consentements du salariat joyeux.
Et peut-être de prendre une autre perspective sur la possibilité de son dépassement.
Commençons par le dire clairement : Capitalisme, désir et servitude n'est pas le livre le plus accessible de Frédéric Lordon. Même si l'auteur prend la peine de définir et d'expliciter les concepts philosophiques qu'il mobilise, le texte est parfois resté difficile à suivre pour le profane que je suis. Malgré tout, le propos est brillant et diablement intéressant.
Je suis donc embêté au moment d'écrire cette critique. L'auteur alterne entre un désir de vulgarisation et la difficulté à conserver une profondeur de réflexion sans perdre le lecteur. Le résultat est bon, mais pas toujours aisé à lire.
Zéro Janvier – @zerojanvier@diaspodon.fr