Chez soi (Mona Chollet)
Chez soi, sous-titré Une odyssée de l’espace domestique est un essai de la journaliste et essayiste Mona Chollet, publié en 2015 chez La Découverte.
Mona Chollet est connue pour ses engagements et ses écrits féministes, dont le plus connu est sans doute Sorcières, la puissance invaincue des femmes, publié en 2018 et que j’avais lu avec beaucoup d’intérêt l’année dernière.
Récemment, elle était invitée dans un épisode de Folie douce, l’excellent podcast de Lauren Bastide consacré à la santé mentale. C’est à cette occasion que j’ai découvert cet essai plus ancien consacré à l’espace domestique. Ce que j’en ai entendu dire par l’animatrice et l’autrice m’a donné envie de le lire.
Le foyer, un lieu de repli frileux où l'on s'avachit devant la télévision en pyjama informe ? Sans doute. Mais aussi, dans une époque dure et désorientée, une base arrière où l'on peut se protéger, refaire ses forces, se souvenir de ses désirs. Dans l'ardeur que l'on met à se blottir chez soi ou à rêver de l'habitation idéale s'exprime ce qu'il nous reste de vitalité, de foi en l'avenir.
Ce livre voudrait dire la sagesse des casaniers, injustement dénigrés. Mais il explore aussi la façon dont ce monde que l'on croyait fuir revient par la fenêtre. Difficultés à trouver un logement abordable, ou à profiter de son chez-soi dans l'état de “ famine temporelle ” qui nous caractérise. Ramifications passionnantes de la simple question “ Qui fait le ménage ? “, persistance du modèle du bonheur familial, alors même que l'on rencontre des modes de vie bien plus inventifs...
Autant de préoccupations à la fois intimes et collectives, passées ici en revue comme on range et nettoie un intérieur empoussiéré : pour tenter d'y voir plus clair, et de se sentir mieux.
L’essai se compose de 7 chapitres :
La mauvaise réputation. « Sors donc un peu de cette chambre ! » : ode à la sédentarité, défense de l’esprit casanier, de la solitude (et accessoirement de la lecture)
Une foule dans mon salon. De l’inanité des portes à l’ère d’Internet : les bouleversements (pas forcément négatifs) d’Internet et des réseaux sociaux sur l’espace domestique et le rapport à la solitude
La grande expulsion. Pour habiter, il faut … de l’espace : les sans-abri, la crise du logement, le marché de l’immobilier, les inégalités sociales et générationnelles face au logement, et plus généralement la question de l’espace ; j’y ai vu des prémisses de la critique de l’ordre propriétaire que j’avais lue dans les ouvrages de Pierre Crétois
À la recherche des heures célestes. Pour habiter, il faut … du temps : les contraintes temporelles qui empêchent de profiter de chez soi (le travail), le sommeil et la façon dont il est perçu dans nos sociétés
Métamorphoses de la boniche. La patate chaude du ménage : domestiques, femmes de ménage, fées du logis, et inégalités sociales et de genre dans le travail domestique
L’hypnose du bonheur familial. Habiter, mais avec qui ? : critique et remise en cause du modèle familial typique, évolution de la place de la femme dans la société, au travail, et dans la maison
Des palais plein la tête. Imaginer la maison idéale : réflexions sur l’architecture, avec une critique de l’architecture contemporaine, qui cherche plus à briller qu’à bâtir, réflexions sur la maison idéale et sur l’opposition parfois trompeuse entre ville et campagne
Comme l’indique cette brève synthèse du sommaire, le sujet est vaste et aborde de multiples questions. Malgré quelques digressions, j’ai trouvé le propos très intéressant. J'ai notamment apprécié la façon dont Mona Chollet mêle les aspects intimes et politiques. C’est à la fois une ode à la sédentarité et à la solitude, et un appel à politiser l'espace domestique. Je ne sais pas si c’est le livre de référence sur le sujet, mais c’est en tout cas une contribution utile aux réflexions sur l’espace domestique et nos façons d’habiter nos logements et nos espaces.
Zéro Janvier – @zerojanvier@diaspodon.fr