La société ingouvernable (Grégoire Chamayou)
J'avais ce livre dans ma pile à lire numérique depuis plusieurs mois et je suis content de l'avoir gardé pour une période de congés où j'ai eu le temps de le lire tranquillement, à tête reposée.
Le propos est dense, parfois ardu, toujours très riche. Le sous-titre, plus que le titre, décrit parfaitement l'ambition de l'auteur : décrire, en s'appuyant sur des sources, la naissance et l'avènement du libéralisme autoritaire.
Je ne vais pas raconter ici tout le livre, mais je vais essayer d'en résumer les grandes lignes en décrivant les thèmes abordés.
L'auteur part du constat fait par les penseurs libéraux dans les années 1970 : après les Trente Glorieuses et le triomphe de l'Etat-providence, les mouvements civiques, écologiques et sociaux montrent que la démocratie devient un danger pour le capitalisme. Grégoire Chamayou va alors décrire dans six chapitres thématiques la riposte idéologique et pratique opérée par les néolibéraux :
Les travailleurs indociles : indisciplines ouvrières, ressources humaines, insécurité sociale, guerre aux syndicats
Révolution managériale : une crise théologique, managérialisme éthique, discipliner les managers, catallarchie
Attaque sur la libre entreprise : le siège du gouvernement privé, la bataille des idées, comment réagir, l’entreprise n’existe pas, théories policières de la firme
Un monde de contestataires : contre-activisme d’entreprise, production de l’idéologie dominante, management des problèmes, parties prenantes
Nouvelles régulations : soft law, coûts/bénéfices, critique de l’écologie politique, responsabiliser
L’Etat ingouvernable : crise de gouvernabilité des démocraties, Hayek au Chili, aux sources du libéralisme autoritaire, détrôner la politique, micropolitique de la privatisation
Dans la conclusion, l’auteur achève sa démonstration en montrant comment l'expression libéralisme autoritaire n'est pas un oxymore mais au contraire un pléonasme : pour s’imposer à la société, le libéralisme économique doit s’appuyer sur un Etat autoritaire dont le rôle dans l’économie doit se limiter à donner au marché les moyens de fonctionner, un Etat qui doit ainsi être fort avec les faibles mais rester faible avec les forts.
Je l’ai dit, c’est un livre très dense, les citations sont nombreuses, mais le propos de Grégoire Chamayou reste toujours limpide. La démonstration est terriblement efficace, même si, c’est l’écueil de ce genre d’essai, je me doute qu’il ne convaincra que des convaincus. J’en sors à la fois conforté dans mes idées, enrichi par une réflexion parfaitement ciselée, et je l’avoue, un peu déprimé par la situation décrite. Même si la conclusion essaye d’ouvrir des perspectives de contre-lutte, autour de l’autogestion.
Zéro Janvier – @zerojanvier@diaspodon.fr