Chroniques d'un terrien en détresse – Le blog personnel de Zéro Janvier

Les irresponsables (Johann Chapoutot)

Les irresponsables, Qui a porté Hitler au pouvoir ?, est un essai de l’historien Johann Chapoutot, publié en février 2025 dans la collection NRF Essais chez Gallimard.

Un consortium libéral-autoritaire, tissé de solidarités d’affaires, de partis conservateurs, nationalistes et libéraux, de médias réactionnaires et d’élites traditionnelles, perd tout soutien populaire : au fil des élections, il passe de presque 50 % à moins de 10 % des voix et se demande comment garder le pouvoir sans majorité, sans parlement, voire sans démocratie. Cet extrême centre se pense destiné à gouverner par nature : sa politique est la meilleure et portera bientôt ses fruits. Quand les forces de répression avertissent qu’elles ne pourront faire face à un soulèvement généralisé, le pouvoir, qui ne repose sur aucune base électorale, décide de faire alliance avec l’extrême droite, avec laquelle il partage, au fond, à peu près tout, et de l’installer au sommet.

Cette histoire se déroule en Allemagne, entre mars 1930 et janvier 1933. Elle repose sur une lecture des archives politiques, des journaux intimes, correspondances, discours, articles de presse et Mémoires des acteurs et témoins majeurs. Elle révèle non pas la progression irrésistible de la marée brune, mais une stratégie pour capter son énergie au profit d’un libéralisme autoritaire imbu de lui-même, dilettante et, in fine, parfaitement irresponsable.

En un peu moins de trois cent pages, Johann Chapoutot raconte non pas la prise de pouvoir d’Hitler, comme on l’entend souvent, mais la façon dont la droite libérale autoritaire et nationaliste, minoritaire dans l’opinion mais sûre d’avoir raison seule contre tous, a choisi de faire alliance avec les nazis en espérant les contrôler, afin de poursuivre sa politique antisociale et impopulaire.

Si ce résumé vous rappelle des éléments de l’actualité, ce ne serait pas un hasard, et l’auteur revient longuement sur cette analogie dans sa conclusion. Après un récit dense et tragique des événements politiques de l’Allemagne des années 1930 à 1933, le chapitre conclusif permet un retour vers le présent, aussi douloureux que nécessaire.

J’aurais pu inonder cette critique de nombreuses citations tirées de ce livre, pour vous montrer l’intelligence du propos de Johann Chapoutot. Je me contenterai de vous encourager chaudement à lire ce livre, aussi intelligent et instructif qu’accessible.

Zéro Janvier@zerojanvier@diaspodon.fr

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