Un tigre à l’hôpital
Voici un de mes plus anciens textes, je pense l’avoir écrit il y a une quinzaine d’années. C’est aussi, sans doute, l’un des plus personnels.
17 juillet. J’ai onze ans et demi. Je passe le début de l’été à l’hôpital pour un petit souci de santé qu’on me décrit comme étant sans gravité. Après quelques jours ici, je commence à bien connaître les couloirs et les infirmières de cet hôpital devant lequel je suis passé si souvent en allant à l’école puis au collège. Pourtant, je ne m’habitue pas. Il y a d’abord cette odeur qui me gêne. Il y a aussi cette peur panique des hôpitaux.
Tout va bien se passer, me répète-t-on depuis mon arrivée. Il n’y a aucun inquiétude à avoir, c’est une intervention sans risque, elle ne touche aucun organe vital. Je reste sceptique. J’ai peur.
L’infirmière m’apporte un comprimé pour me détendre avant l’anesthésie. On m’habille de cette affreuse blouse indispensable pour entrer au bloc opératoire. On me laisse ensuite de longues minutes à attendre. Mes parents sont dans la chambre, ainsi que mon fidèle ami Grégory et ses parents. Ils essayent tous de me rassurer, mais c’est peine perdue. Je suis mort de trouille.
Deux infirmières et un interne viennent me chercher. Ils m’installent sur le brancard, déposent une couverture sur moi. J’ai pris mon petit tigre en peluche avec moi, il me protègera. Mes parents me souhaitent bon courage. On me sort de la chambre, le brancard avance tant bien que mal dans le couloir. Une des infirmières appuie sur le bouton pour appeler l’ascenseur. Je suis pétrifié par la peur.
Mon tigre tombe du brancard. Je le regarde couché par terre, j’ai envie de pleurer. Grégory a suivi dans le couloir et ramasse le tigre. Il le remet sous la couverture et me sourit. “Il est à tes côtés, rien ne peut t’arriver”. Je lui souris.
Il prend ma main dans la sienne. L’ascenseur arrive, la porte s’ouvre. L’infirmière dit « il faut y aller, on nous attend au bloc ». Grégory lâche ma main. Le brancard entre dans l’ascenseur, je tourne la tête en arrière pour regarder mon ami. Il me fait un dernier signe de la main. Il semble retenir des larmes.
Quelques heures plus tard, j’ouvre les yeux en salle de réveil. Il fait froid. J’entends le bruit des appareils autour de moi. À part ces bips réguliers, le silence est total, pesant. Je tremble, il fait vraiment très froid.
Je ne sais pas depuis combien de temps je suis éveillé, et encore moins depuis quand je suis ici, quand une infirmière vient me voir. Elle me salue gentiment et m’annonce qu’elle va me remonter dans ma chambre. Enfin.
Quand nous arrivons dans la chambre, mes parents ne sont pas là. Ils sont sans doute allés à la cafétéria avec les parents de Grégory pour grignoter un morceau en attendant mon retour. Mon ami, lui, est là. Il me sourit dès que j’entre dans la chambre. Il a l’air heureux de me revoir. Je ressens la même joie.
J’échange quelques mots avec lui, mais le sommeil m’attire à nouveau dans ses filets. Je dois me reposer. Je dois dormir. Il me parle, je l’entends, mais je n’ai pas la force de répondre. Il le sait, mais il continue de me parler. Je m’endors. Qu’importe, je sais que dans quelques heures j’irai mieux. J’ai tant de choses à lui dire.
Zéro Janvier – @zerojanvier@diaspodon.fr