Chroniques d'un terrien en détresse – Le blog personnel de Zéro Janvier

Vous ne détestez pas le lundi, vous détestez la domination au travail (Nicolas Framont)

Vous ne détestez pas le lundi, vous détestez la domination au travail est le nouvel essai de Nicolas Framont, sociologue du travail et co-fondateur du magazine en ligne Frustration Magazine, dont je suis un lecteur assidu. Il vient d’être publié en octobre 2024 chez Les Liens qui Libèrent.

En France, comme ailleurs, le mal-être au travail s’amplifie. Les travailleurs expriment leur mécontentement face à l’organisation, à l’utilité perçue et à la reconnaissance hiérarchique de leur entreprise. Tous les secteurs, y compris l’associatif et le service public, sont désormais contaminés par des formes de management absurdes et violentes qui font redouter le lundi matin.

En réponse à ce désenchantement, le patronat et le gouvernement optent pour l’indignation et la contrainte : plus d’arrêts maladie ? Imposons des jours de carence. Les démissions se multiplient ? Coupons les allocations chômage. Cette souffrance conduit à une mise au travail forcée.

Vous ne détestez pas le lundi est une invitation à se libérer des mythes du travail : présentéisme, mérite, psychologisation de la souffrance. Ce manuel de développement collectif propose une nouvelle culture de la révolte, capable de légitimer et de soulager les souffrances individuelles en faveur d’une insurrection globale, ancrée dans le réel.

Comme dans Frustration Magazine ou son récent essai Parasites, Nicolas Framont s’attache à démasquer les impostures de la bourgeoisie et du capitalisme. Il révèle les intérêts matériels, les intérêts de classe qui se cachent derrière le vernis de l’idéologie dominante et de ses discours médiatiques.

Il le fait avec un style et un vocabulaire accessibles à tous et toutes, avec pédagogie mais sans pour autant prendre ses lecteurs pour des idiots. Il s’appuie sur des exemples médiatiques ou tirés de son expérience personnelle et professionnelle. Cela donne un ouvrage à la fois aisé à lire, riche en idées, et enthousiasmant pour la lutte.

Chapitre 1 : L’invention de la domination au travail

Nicolas Framont montre d’abord comment la domination au travail a muté avec l’évolution des modes de production et des modèles de société :

Notre histoire des chefs nous rappelle donc qu’un certain type de hiérarchie dépend d’un certain mode de production : selon la configuration sociale de l’époque, c’est-à-dire qui est le groupe dominant et quelle production de richesse garantit son pouvoir, l’organisation du travail nécessite un certain type de chef.

À l’échelle de l’histoire de l’humanité, les sociétés fondées sur la chasse et la cueillette ont été très nombreuses à choisir des organisations du travail très faiblement hiérarchique. D’une part parce que le type de production ne nécessitait pas une forte division du travail, et d’autre part parce que ces sociétés relativement égalitaires ne nécessitaient pas de travail contraint ou exploité. Ou plutôt : tout le monde était soumis à la même contrainte qui était la survie et la pérennité du groupe. C’est une vérité qu’ont du mal à accepter toutes celles et tous ceux qui, de nos jours, ne conçoivent pas que l’on puisse travailler autrement que sous la contrainte : quand le travail n’est pas exploité par autrui, nul besoin de coup de fouets, de pointeuse et de reporting.

En revanche, dans les sociétés inégalitaires où un groupe, souvent petit en nombre, règne sur le reste de la population grâce à son contrôle de la production de richesse, la hiérarchie devient indispensable. C’est le cas dans les sociétés antiques marquées par l’omniprésence de l’esclavage dans la production de biens et de services. Le groupe dominant, composé des citoyens masculins ou des aristocrates, selon le type d’État (les cités grecques, la République romaine, l’Empire, etc.) pratiquait un contrôle étroit d’une main-d’oeuvre prisonnière.

Au Moyen Âge, l’extraction de richesse essentiellement liée à l’agriculture donne le pouvoir aux seigneurs, dont les bras droits (intendants ou sénéchaux) s’assuraient de la collecte de l’impôt auprès des paysan·nes. Ces dernier·es subissaient un contrôle essentiellement fiscal, en plus de mobilisations périodiques obligatoires pour de grands travaux (les corvées). Dans les villes, le monde des artisan·es repose sur un tout autre ordre hiérarchique : organisé·es en guildes ou corporations, les artisan·es travaillent sous une logique de subordination principalement liée à l’expérience. C’est la maîtrise d’un savoir-faire sur la durée qui donnait un rôle supérieur.

De la Renaissance au milieu du XIXe siècle, la bourgeoisie émergente rétablit un esclavage qui se distingue de celui des sociétés antiques par son utilisation intensive et rationalisée sur le plan économique : il s’agit non plus seulement de traiter l’esclave comme une chose, mais comme une machine. Dans les plantations du « Nouveau Monde », la bourgeoisie invente l’organisation industrielle du travail. Elle déploie une armée de contremaîtres pour lutter contre les révoltes et les fuites qui n’ont jamais cessé.

L’organisation hiérarchique héritée de la traite négrière est une organisation qui vise à assurer le maintien à l’état de machine d’individus dotés de raison et d’affects. Il s’agit de les en priver et de s’assurer de leur docilité, ce qui nécessite une surveillance continue. Le chef-exemple du modèle artisanal corporatif, maître reconnu pour son expérience, disparaît totalement après la Révolution française : les chefs de l’âge industriel sont les contremaîtres hérités des plantations sucrières. Leur fonction est d’empêcher l’esclave puis l’ouvrier·e de se tourner les pouces, de saboter ou de fuir.

Un certain type de hiérarchie est donc engendré par un certain mode de production : collecteurs d’impôt quand il s’agit de travail agricole, gardes armés dans les plantations négrières, contremaîtres pour surveiller le travail industriel… Cette hiérarchie est aussi produite par une peur omniprésente qui étreint les groupes dominants. Le seigneur du Moyen Âge doit maintenir la paysannerie dans un état de pauvreté pour garder le contrôle sur son fief. Le négrier doit empêcher ses esclaves de s’enfuir ou de se révolter. Le bourgeois industriel doit prévenir l’insubordination, le ralentissement du rythme puis la grève. Il a besoin de contremaîtres pour y parvenir.

L’époque contemporaine répond à un autre type de défi. La classe dirigeante doit parvenir à conserver un contrôle sur les esprits, à empêcher la contestation de logiques perçues – à juste titre – comme absurdes : chercher à obtenir 15 % de bénéfices par an pour une entreprise privée (mission impossible sans constamment percuter le sens du travail), devoir toujours faire davantage avec moins dans le service public, montrer que l’on est le plus rentable dans une association à but non lucratif. Pour tenir ces objectifs impossibles et insupportables, il faut maintenir le salariat sous un régime d’emprise et de terreur.

L’histoire de la domination au travail, c’est donc l’histoire de la lutte des classes dans ses aspects économiques : qui possède quoi ? Quelle richesse est exploitée par quelle main-d’œuvre ? Mais c’est aussi une lutte des classes du point de vue de la gestion, par les classes dominantes, de la résistance permanente des classes dominées.

Chapitre 2 : Comment la hiérarchie détruit le travail

L’auteur détaille ensuite les modes de domination, les archétypes de « chefs » que l’on peut rencontrer dans les organisations, et le rôle des hiérarchies pour le maintien du statu-quo social et économique :

Les grands discours sur la « valeur travail » ont pour objectif de présenter le travail comme un lieu neutre, qu’on aime, ou pas. La question du « comment » et « pour qui » est évacuée par cette discussion. Or, ces deux questions – qui sont liées entre elles – sont fondamentales. On travaille toujours pour quelqu’un. Dans de très rares cas, on travaille pour soi et ses proches – par exemple, certaines travailleuses et certains travailleurs réellement indépendant·es (c’est-à-dire celles et ceux qui ne dépendent pas d’un·e seul·e client·e ou d’un très faible nombre de client·es). Mais le plus souvent, on travaille pour d’autres. Soit dans le cadre classique de l’exploitation capitaliste, dans une petite entreprise ou un grand groupe, soit pour une administration ou encore dans le monde artistique, associatif ou politique.

Chacun de ces secteurs contient, à l’heure où nous écrivons ces lignes, des contradictions ou anomalies fondamentales que toute organisation cherche à masquer pour « réenchanter » le travail en son sein. Par anomalie, j’entends une impossibilité de justifier pleinement la façon dont les choses se passent. Par exemple, la séparation entre le capital et le travail, le fait que les possédants puissent, parce qu’ils possèdent, faire travailler d’autres gens, peine à être justifié. Le « mérite », les « efforts » invoqués volent en éclat à partir du moment où l’héritage du capital est mis sur le tapis.

En réalité, le fait d’avoir du pouvoir sur le travail des autres et de s’en servir pour s’enrichir ne va absolument pas de soi. Cela relève d’un choix de société parfaitement arbitraire que rien ne permet de pleinement justifier. Le capitalisme a donc intrinsèquement besoin d’une hiérarchie forte pour que cette anomalie perdure sans encombre. La mise au travail forcée a toujours fait partir de son histoire, et la hiérarchie y joue depuis ses débuts un rôle essentiel

Les hiérarchies sont là pour étouffer les protestations qui surviennent systématiquement lorsqu’une organisation du travail est injuste. Elles viennent empêcher que le vernis ne craque et que ce qu’il dissimule – la fainéantise et l’incompétence des chefs, notamment – soit exposé aux yeux de tous et toutes. En répondant à la question « comment devient-on chef », on remet en question la nécessité même du chef, mais surtout, on montre la fragilité de toute organisation injuste : beaucoup doit être fait pour qu’elle tienne, et les chefs que nous avons décrits doivent s’acquitter de cette basse besogne. En creux, ils montrent par leur existence même que nous pourrions tout à fait faire autrement.

Chapitre 3 : La sécession qui vient

L’auteur poursuit sa démonstration en décrivant les résistances mises en œuvre par les travailleurs face à cette domination étouffante au travail et à la souffrance qu’elle génère. Il regroupe ces actions de résistance passive ou active sous le terme de « sécession » : démission, sabotage, grève.

Mais plus récemment, et de façon nettement plus flagrante, c’est bien la sécession par le changement récurrent d’entreprise – les démissions en hausse –, le sabotage larvé et le maintien d’un haut niveau de conflictualité au travail qui produisent des effets réels sur le bien-être des capitalistes et des dirigeants d’États. La sécession domine et s’étend, et j’en vois les signes dans les rictus crispés et contrariés des staffs d’entreprise que j’ai eu l’occasion de visiter comme expert. Malgré tous leurs efforts et toute leur science managériale, les dirigeants d’entreprise et d’administration ne parviennent pas à augmenter « l’engagement des collaborateur·rices » et d’empêcher la défiance de s’exprimer régulièrement à leur encontre.

Ce qui est sûr, c’est que la baisse de la productivité est une mauvaise chose pour les actionnaires, mais pas nécessairement pour les salarié·es, bien au contraire. En travaillant moins dur et moins fort, on récupère du temps, et on en retire aux actionnaires. Faire baisser la productivité horaire, c’est donc réduire l’exploitation au travail.

Il se pourrait bien que ce mouvement de sécession ne soit qu’un début. Car plutôt que de réfléchir à s’amender, à rendre le travail un peu plus vivable et donc à enrayer la prise de distance de leurs salarié·es, le patronat, aidé par le gouvernement, se complait dans une logique répressive. Pour lutter contre les pénuries de main-d’œuvre et juguler le mouvement de démission, le gouvernement de Macron est en train de briser petit à petit le système d’assurance-chômage, en restreignant progressivement les conditions pour en bénéficier. Il espère ainsi forcer les travailleurs et travailleuses à rester en poste et contenter le patronat.

Je le dis d’emblée : les mesures de ce type sont criminelles. En effet, la démission, la rupture conventionnelle ou l’arrêt maladie font partie des recours face à la souffrance au travail. Lorsque, dans un entretien, j’ai face à moi une salariée ou un salarié qui va très mal, est confus·e, a des crises de larmes, tient des propos suicidaires, après avoir été exposé·e pendant des mois voire des années à de la violence et à du dénigrement, je lui parle d’arrêt maladie ou de départ. « Sauvez-moi » : cela reste pour moi une priorité, car on sous-estime hélas trop souvent la façon dont le travail peut nous détruire, bien au-delà de notre habileté à occuper notre poste. Parfois, c’est notre capacité à vivre tout le reste de notre vie que le travail détruit. Aussi, il nous faut des portes de sortie. Sinon, la porte de sortie que de plus en plus de personnes choisiront sera la mort, qu’on le veuille ou non.

Ces mesures sont criminelles mais elles sont aussi profondément contre-productives et ne parviendront pas à endiguer le mouvement de sécession. En effet, si les recours légaux pour gérer sa propre souffrance disparaissent, alors on se tournera encore davantage vers le sabotage, la démission silencieuse, un « désengagement » qu’aucun DRH n’est prêt à affronter.

La sécession, pour qu’elle soit efficace et puisse un jour nous sortir de cet état de sujétion permanent au travail, d’exposition quotidienne à la souffrance et à l’arbitraire, doit être encouragée, valorisée et, si possible, organisée. Ainsi, nous sortirons de la solitude de nos résistances individuelles pour espérer, et durablement, renverser la table.

Chapitre 4 : Se libérer au travail, mode d’emploi

Nicolas Framont explore ensuite les voies qui s’offrent à nous pour résister collectivement, et leurs limites. Il se montre notamment critique du syndicalisme traditionnel, empêtré dans un « dialogue social » fictif qui n’a trop souvent pour seul effet que d’anesthésier les revendications et de détourner la lutte de ce qui devrait être son objectif principal : libérer le travail au profit des travailleurs.

S’il est localement d’une grande efficacité, le syndicalisme traditionnel échoue à intervenir de façon convaincante en raison de plusieurs grands défauts :

– Dans les petites entreprises, où la loi ne prévoit pas de représentation du personnel, les salarié·es sont délaissé·es et sont fortement exposé·es à la culture de la violence au travail en l’absence de contre-pouvoir. Iels subissent une grande inégalité dont on n’entend jamais parler et qui, il me semble, nourrit des réactions de colère et de désespoir de natures diverses, des Gilets jaunes (qui comptaient beaucoup d’artisan·es et de salarié·es non syndiqué·es) au vote pour le Rassemblement national.

– La précarité du travail, qui s’est étendue durablement, en particulier dans la jeunesse, et le développement de formes d’emploi dégradées comme l’apprentissage, les services civiques, l’intérim ou encore le boom des contractuel·les dans la fonction publique créent une catégorie de travailleuses et de travailleurs qui ne sont pas la première cible des syndicats traditionnels. Comme j’ai pu moi-même en faire l’amère expérience, le bureaucratisme syndical développe une forme de clientélisme qui s’intéresse tout particulièrement aux salarié·es les plus stables, engagé·es dans une carrière longue et garanti·es d’un investissement durable dans le syndicat. Les autres sont moins intéressant·es dans une perspective bureaucratique.

– Le syndicalisme traditionnel a abandonné toute perspective de changement global du travail, en France comme ailleurs. Fondé pour porter un projet d’émancipation des travailleuses et des travailleurs par elles et eux-mêmes, même un syndicat comme la CGT n’assume plus, publiquement, des velléités de transformation globale. En l’absence de perspective ambitieuse, le syndicalisme traditionnel se condamne à une analyse partielle de la situation, et à des avancées minimes, quand ce n’est pas la défense qui résume sa stratégie. Il est évident que sans syndicalisme, le monde du travail serait encore plus violent et injuste qu’il ne l’est. Mais à l’heure actuelle, le syndicalisme traditionnel ne semble plus porter le moindre idéal de libération du travail de l’emprise du capital et, plus largement, des hiérarchies. Ce combat est laissé aux partis de gauche, qui le portent sans pouvoir l’appliquer, car ils n’interviennent pas directement dans le monde du travail. Résultat, cet idéal est orphelin de toute forme d’organisation efficace et massive.

Il appelle donc à une nouvelle organisation pour la lutte, avec quelques principes fondateurs :

Il semble que, pour prendre en compte les leçons de notre histoire récente, et ne pas reproduire les défauts des structures existantes, il faille que cette organisation réponde aux exigences suivantes :

– Une organisation attractive : composées de meneuses et meneurs habitué·es à l’écoute des autres, capables de s’intéresser de près au quotidien des salarié·es, porteurs et porteuses de techniques d’organisation collective qui ont fait leurs preuves (notamment hors de nos frontières).

– Une organisation adaptée à la diversité du monde du travail. On pourrait la rejoindre quand on veut, pour la durée que l’on souhaite, pas loin de chez soi. On pourrait imaginer, pour commencer, des cercles de paroles sur le travail ouverts à tous les métiers et tous les statuts, animés par des gens aguerris mais visant à l’échange d’expériences individuelles qui créerait une solidarité commune. Dans une ville, un quartier, un village, ces cercles ou groupes ou amicales du travail permettraient dans un premier temps à chacun·e de sortir de la solitude dans laquelle la souffrance au travail nous plonge. Ces espaces existent déjà sur les réseaux sociaux, comme je le disais au chapitre précédent. C’est un premier pas, à concrétiser dans la vraie vie.

– Une organisation imbureaucratisable : ses statuts prévoiraient qu’elle ne génère ni chef ni instinct de protection de l’organisation. Elle ferait toujours passer la fin avant tout, en se reposant sur des leaders éphémères, soumis·es aux suffrages des membres, comme aux États-Unis.

– Une organisation qui ose poser comme objectif la libération du travail de l’emprise du capital et des autres formes d’assujettissement. Elle n’aurait dans son viseur que des objectifs à court terme (ce qui ne veut pas dire minimes) et se ferait justement connaître au fil de ses victoires, pour sa pugnacité, son efficacité à défendre les salarié·es et indépendant·es de la violence du travail. Elle imaginerait un travail libéré, c’est-à-dire une œuvre collective plus utile que « productive », visant la satisfaction des besoins d’une société et non la création de « besoins artificiels » pour garantir à quelques possédants l’accumulation de profits.

Je crois sincèrement qu’une telle organisation est nécessaire pour les décennies à venir, sans entrer en concurrence avec le syndicalisme traditionnel qui continuerait d’assurer ses fonctions actuelles. En réinstaurant un rapport de force avec les hiérarchies, elle freinerait l’extension de la culture de la violence au travail. En donnant une perspective de changement global pour enfin faire du travail une expérience collective utile et joyeuse, elle a le pouvoir de changement de la société à la racine de ses activités économiques.

Conclusion : 3 propositions pour libérer le travail

Dans une conclusion qui prend la forme d’un récit d’anticipation utopique imaginant une libération du travail dans les décennies à venir, Nicolas Framont propose 3 mesures phares :

  1. La reprise en main du travail par celles et ceux qui l’exercent, c’est-à-dire la socialisation des moyens de production, par la généralisation de l’actionnariat salarié collectif

  2. La remise en cause des systèmes hiérarchiques, l’abolition des rôles de « chefs » et leur remplacement par des modes de décision et de coordination basés sur le collectif, et l’élection si nécessaire de « leaders » temporaires pour un mandat donné

  3. L’égalité salariale intégrale, avec la remise en cause complète des inégalités salariales et donc sociales basées sur une soi-disant « méritocratie » qui ne sert qu’à justifier les privilèges de la classe dominante

L’auteur s’appuie sur son expérience au sein de la rédaction de Frustration Magazine pour montrer qu’un travail sans domination est possible :

Le travail à quasi-temps plein dans Frustration m’a appris une chose que je n’étais pas sûr de connaître auparavant : toute violence peut être bannie du travail, ainsi que tout rapport de domination. Si le collectif est constitué de gens qui se font confiance, qui se reconnaissent comme estimables et tentent de s’entraider, nulle contrainte n’est nécessaire. Si la coordination est nécessaire, car la liberté n’implique pas le chaos, nul besoin d’entretiens annuels d’évaluation, de mises au point sèches et même de contrôle horaire. Si les moments de stress ou de tension peuvent survenir, en raison de difficultés financières ou d’un article qui a mécontenté un groupe d’estimé·es lecteur·rices, la nervosité n’est plus un état permanent de ma vie professionnelle.

Le livre s’achève par de jolies lignes qui appellent à l’optimisme :

J’ai la conviction qu’en libérant le travail de toutes les contraintes inutiles décrites dans ce livre, nous pourrons tous et toutes renouer avec le sentiment de joie collective. Il pourrait se résumer comme suit.

Nous sommes lundi matin, je retrouve mes collègues. Nous nous consacrons chacun·e à des tâches qui, collectivement, produiront un résultat. Ce résultat sera utile aux autres, et cela nous plaît. Nous construisons le monde et cette construction nous comble. Le fruit de notre travail revient à nous-mêmes et son produit est utile aux autres. Ce que je décris là n’est pas le bonheur, car ses mystères sont insondables, mais une condition indispensable à sa venue.

Zéro Janvier@zerojanvier@diaspodon.fr

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